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Quand notaires et avocats se battent qui recoit les coups ?

Ça ne va pas fort entre Avocats et Notaires…

D’ailleurs, le 22 septembre 2013 les Echos titraient :

« Avocats et notaires bataillent sur les SCI »

Le sujet de cet article c’est l’article 70 quater (sic) du projet de loi « Alur » qui a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 17 septembre et prévoit que les cessions de parts sociales des sociétés civiles immobilières (SCI) et des sociétés à prépondérance immobilière s’effectueront dorénavant par acte authentique.
Si ce texte, pas encore discuté devant le Sénat, devait entrer en vigueur, seuls les notaires pourraient à l’avenir recevoir la constitution d’une SCI ou les actes contenant des cession de parts de ces sociétés.

Comme le remarque l’article précité :

« Confier en exclusivité aux notaires la constitution de ces sociétés reviendrait à ôter aux avocats un marché conséquent.»

De nombreux Notaires avaient vécu la création de l’acte d’Avocat comme une véritable incursion des Avocats au sein de leur domaine réservé .
Il semble qu’ils tiennent là leur revanche…

Il faut bien l’avouer, les rapports entre Avocats et Notaires se sont singulièrement dégradés depuis quelques temps.

J’ai moi-même connu ces derniers mois de nombreuses illustrations de cette situation tendue dans une matière ou avocats et notaires sont contraints malgré eux de travailler ensemble : la « conversion de saisie immobilière en vente amiable ».

 

L’expression correspond à la situation suivante :

  •  Un créancier fait délivrer un commandement valant saisie portant sur un bien immobilier à quelqu’un qui lui doit de l’argent
  • Le commandement valant saisi est publié à la conservation des hypothèques de manière à empêcher que celui-ci puisse être vendu par le débiteur en fraude à la saisie.
  • Par la suite assigné à une « audience d’orientation » devant le juge de l’exécution, le débiteur demande à celui-ci la possibilité de pouvoir vendre son bien amiablement devant notaire plutôt que dans le cadre d’une vente aux enchères

Conformément à l’article R322-15 du code des procédures civiles d’exécution :

Lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.

 

Par ailleurs, l’article R322-21 al. 1 du même code précise que :

Le juge de l’exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente.

 

Sur le papier la situation est relativement simple.

L’autorisation du juge permet au débiteur de vendre devant notaire, dans les conditions fixées par le jugement, et dispose pour ce faire d’un délai de quatre mois.

Il peut néanmoins obtenir un délai supplémentaire de trois mois s’il justifie d’un compromis de vente signé.

Si la vente se réalise, elle est ensuite homologuée par le juge.

Afin de protéger le débiteur, qui faute de temps se retrouve contraint de vendre dans des conditions pas forcément avantageuses, l’article R322-24 al. 2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que :

Les frais taxés sont versés directement par l’acquéreur en sus du prix de vente.

C’est de bonne guerre…

A priori, il n’y a pas là de quoi se fâcher entre Avocats et Notaires, puisqu’au final chacune des deux professions travaille.

Ce qui chagrine grandement de nombreux notaires dans un tel cas, c’est qu’il emporte l’application de l’article 37 B du Décret n° 60-323 du 2 avril 1960.
Or ce texte prévoit que lorsqu’une vente immobilière qui a donné lieu à la rédaction d’un cahier des charges par un avocat est renvoyée par le tribunal devant un officier ministériel (le notaire) les émoluments de vente sont partagés par moitié. 

 

L’idée de devoir partager la moitié de leur rémunération à travail égal n’enchante pas les notaires.

De sorte que nombre d’entre eux ont développé une parade qui consiste à demander au créancier à l’origine de la saisie de renoncer à celle-ci. 

Le deal est le suivant :

  • Le créancier « poursuivant » renonce à sa saisie et consent une « mainlevée » au débiteur ce qui permet au notaire de faire radier le commandement
  • Ce dernier consent en échange à un engagement irrévocable de régler ce qu’il doit au créancier poursuivant lors de la réalisation de la vente

L’avantage pour les notaires est incontestable, puisque la mainlevée du commandement leur permet de recevoir la vente hors du cadre de la saisie et par suite de percevoir la totalité de leur émolument.

Dans ce cas de figure, l’avocat perd donc cette part (non négligeable) de sa rémunération.

Sauf à conditionner dans un cadre transactionnel la mainlevée du commandement au règlement d’une somme équivalente à l’émolument qui aurait du lui revenir.

Dans cette hypothèse, c’est une sorte de triple peine pour le débiteur qui se retrouve :

  • Contraint  de vendre immédiatement et à un prix le plus souvent inférieur à celui du marché
  • Privé du cadre protecteur de l’article R322-24 al. 2 du code des procédures civiles d’exécution et le plus souvent forcé au paiement des frais préalables à la vente
  • Mais aussi contraint à payer une fois et demi le montant des émoluments (qui faute de mainlevée aurait été pris en charge par l’acquéreur)

 

Pourquoi les débiteurs acceptent-ils me direz-vous ?

Tout simplement par ce que leur choix se résume à accepter ou à voir leur bien vendu aux enchères, avec le risque que son prix de vente soit encore inférieur.

Si je vois une utilité à écrire le présent article, c’est parce que cette situation est selon mon expérience chaque jour un peu plus fréquente.

Alors que l’immense majorité des saisie immobilières dont je suis amené à connaitre sont désormais converties en vente amiable par les juges de l’exécution ; très peu de vente amiables sont homologuées à raison des « mainlevées » accordées sur demande insistante du notaire chargé de la vente.

Et cette situation m’agace chaque jour un peu plus.

Je peux comprendre que notaires et avocats se battent pour des histoires de pré-carré  et de gros sous.

Mais je commence à me lasser de voir des gens, par ailleurs en difficulté financière, prendre les balles perdues.

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