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Les problèmes que posent certains des gens du voyage

Lire « le Point » me met souvent dans un état d’agacement. 
Mais  cette fois, un article m’a mis dans un état de fureur assez rare, dont ceux qui me suivent sur Twitter peuvent témoigner. 
 
Il faut dire que dès le titre il y avait de quoi s’insurger ; « L’Élysée annonce une réunion sur « les gens du voyage et les Rom »
 
On y apprend les choses suivantes :

Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi en Conseil des ministres la tenue d’une réunion le 28 juillet à l’Élysée sur les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Rom », après les violences survenues à Saint-Aignan (Loir-et-Cher). « Les événements survenus dans le Loir-et-Cher soulignent les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Rom », a affirmé le chef de l’État dans une déclaration en Conseil des ministres communiquée à la presse. « Je tiendrai une réunion à ce sujet le 28 juillet. Cette réunion fera le point de la situation de tous les départements et décidera les expulsions de tous les campements en situation irrégulière », a-t-il ajouté.

J’ai immédiatement tenté de relâcher la pression et tenté d’en rire un grand coup avec Peuples.
Mais à vrai dire je ne décolère pas, et ce pour plusieurs raisons. 
 
Il y a d’abord cette phrase qui me dérange profondément :
« Les événements survenus dans le Loir-et-Cher soulignent les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Rom »,
J’ai bien du mal à ne pas voir que derrière la mesure de facade que recouvre l’expression « certains parmi les gens du voyage » se cache une évidente stigmatisation de certaines catégories de la population qui n’a à mon sens pas sa place dans la bouche du chef de l’état. 
Tolérerions-nous cette phrase si elle avait été prononcée à l’encontre, des juifs, des musulmans, des homosexuels, ou des bruns à lunettes
 
Il y a cet amalgame aussi qui me dérange, en ce qu’il semble désigner tous les nomades ; tsiganes, gitans, gens du cirque et ces Roms dont on connait mal les persécutions. 
 
 
Et pourtant – et c’est peut être la principale raison de ma colère- je peine à trouver dans la presse les torrents d’indignation que ces propos devraient soulever. 
Et pour cause, il suffit de s’attarder un instant sur les commentaires de l’article évoqué plus haut pour se rendre compte qu’un sentiment de défiance à l’égard des nomades semble très généralement partagé dans la population française.
Morceaux choisis :
Il y a effectivement des choses à revoir. Il faut moderniser le carnet de circulation en renforçant sa sécurité et en créant un fichier des gens du voyage comportant la photographie, les empreintes digitales et si possible l’ADN. Il faut rendre applicable la confiscation des véhicules ayant envahi un terrain privé ou public d’une commune conforme au schéma départemental. Il faut supprimer les allocations sociales des gens du voyage qui s’installent de manière illicite. Il faut mettre les moyens pour surveiller les rassemblements. Et il faut doter les forces de sécurité de moyens non létaux permettant de neutraliser les émeutiers. La société Taser possède une cartouche pour fusil à pompe qui paralyse. Qu’elle soit en dotation.

Pendant trop longtemps les lois n’ont tout simplement pas été appliquées pour maintenir une apparente paix… Tous les gendarmes savent bien que le nombre de cambriolages augmentent avec l’arrivée des « gens du voyage » … Il faut bien payer la caravane et le véhicule que la tracte, c’est pas avec le rmi qu’ils le peuvent… Il serait temps de rechercher la provenance des fonds… Ce qu’il faut c’est une application des lois et règlements existants, l’arsenal juridique existe mais il n’est pas appliqué.

Tout est dit : y en a marre d’être emm…. par des petites communautés qui nous pourrissent la vie ; dans notre commune une magnifique aire d’accueil a été réalisée (obligation légale) pour plus de 200 000 € et quelques mois après son ouverture : tout est désolation : sanitaires, etc … volés, etc… etc… Ce n’est pas possible d’accepter ceci car c’est nos impôts. Qui va avoir le courage de les mettre dans le droit chemin ? A tout prix ?

[source les noms des auteurs ont été retirés par charité chrétienne]
 
Notez au passage le peu de zèle dont font preuve les modérateurs du Point au sujet de cet article. 
Mais après tout, laissons-les faire, il ne s’agit « que » des gens du voyage. 
 
 
Ce que les commentateurs peu avisés du Point semblent ignorer, c’est que les gens du voyage sont une catégorie de la population d’ores et déjà extrêmement contrôlée puisque soumises aux dispositions de la loi n°69-3 du 3 janvier 1969 qui prévoit notamment les obligations suivantes :
Article 2 

Les personnes n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un Etat membre de l’Union européenne doivent être munies d’un livret spécial de circulation délivré par les autorités administratives.
Les personnes qui accompagnent celles mentionnées à l’alinéa précédent, et les préposés de ces dernières doivent, si elles sont âgées de plus de seize ans et n’ont en France ni domicile, ni résidence fixe depuis plus de six mois, être munies d’un livret de circulation identique.
Les employeurs doivent s’assurer que leurs préposés sont effectivement munis de ce document, lorsqu’ils y sont tenus.

Article 3

Les personnes âgées de plus de seize ans autres que celles mentionnées à l’article 2 et dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois doivent, pour pouvoir circuler en France, être munies de l’un des titres de circulation prévus aux articles 4 et 5 si elles logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile.


Article 4 

Lorsque les personnes mentionnées à l’article 3 justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales d’existence notamment par l’exercice d’une activité salariée, il leur est remis un livret de circulation qui devra être visé à des intervalles qui ne pourront être inférieurs à trois mois par l’autorité administrative. Un livret identique est remis aux personnes qui sont à leur charge.

Article 5 

Lorsque les personnes mentionnées à l’article 3 ne remplissent pas les conditions prévues à l’article précédent, il leur est remis un carnet de circulation qui devra être visé tous les trois mois, de quantième à quantième, par l’autorité administrative.
Si elles circulent sans avoir obtenu un tel carnet, elles seront passibles d’un emprisonnement de trois mois à un an.

Article 6

Les titres de circulation ne peuvent être délivrés aux personnes venant de l’étranger que si elles justifient de façon certaine de leur identité.
La validité du livret spécial de circulation prévu à l’article 2, des carnet et livret prévus aux articles 3, 4 et 5, doit être prorogée périodiquement par l’autorité administrative.

Article 7

Toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation prévu aux articles précédents est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée.
Le rattachement est prononcé par le préfet ou le sous-préfet après avis motivé du maire.
L’existence de formalités si contraignantes, à la charge d’individus qui pour la plupart sont français (à l’exception de ceux visés à l’article 6 précités) est déjà une anomalie. 
 
Accepteriez-vous, sédentaires qui me lisez, d’être contraints de faire viser votre carte d’identité par les autorités au moins tous les trois mois sous peine d’emprisonnement ? 
N’auriez-vous pas l’impression permanente d’être un suspect en puissance ?  
 
La loi est nécessairement le miroir de la société dans laquelle elle trouve à s’appliquer. 
Ces contraintes exercées à l’encontre des gens du voyage sont le reflet de notre propre défiance à l’égard de ceux qui vivent différemment de nous. 
 
J’ai la faiblesse d’y voir une discrimination à la fois banale et légale, qui m’est  d’autant plus insupportable qu’elle est généralement acceptée, un peu comme si les évènements décrits dans le récent Liberté les choses n’avaient que peu changé. 
En avril dernier, l’union européenne appelait ses états membres « à utiliser davantage les moyens de l’Union pour favoriser l’intégration des Roms dans la société ».
Il semble bien que la France a choisi de rester sourde à cette nécessité…
Et je le répète, voilà qui me met très en colère.

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