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La Burqua est un coup politique permanent

L’annonce a été faite hier soir, et passerait presque inaperçue alors que chacun se passionne pour le feuilleton de l’été qui met à l’affiche le couple improbable Worth Bettencourt :  

Le patron des députés UMP, Jean-François Copé, a créé la surprise en annonçant la saisine du Conseil constitutionnel. Il veut que les sages examinent la loi sur l’interdiction du voile intégral. Une manière de légitimer la démarche.
Le pari est risqué. Jean-François Copé veut que le Conseil constitutionnel examine la loi sur l’interdiction de la burqa avant sa promulgation. « Une bonne manière de clore les polémiques« , pour le patron des députés UMP.
Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a confirmé qu’il saisirait les sages pour « lever toute incertitude » sur la constitutionnalité de l’interdiction générale du voile intégral. Une démarche qui sera effectuée après l’adoption de la loi. [source]

Passons rapidement sur le débat sur l’interdiction qui ne m’intéresse que très peu.  Si ‘l’on tient vraiment à interdire un vêtement il me semble que l’on devrait plutôt commencer par ça :

 

 

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D’ailleurs, comme l’a démontré Imane  il n’y a pas si longtemps, le problème ce n’est pas tellement le Niqab ; mais le regard qu’on y porte

Oublions donc quelque instants l’objet de cette loi qui n’est pas de grande importance quant à la vie de l’immense majorité des français.

Ce qui me parait important à l’instant ce sont les circonstances de la saisine du conseil constitutionnel qui marquent   selon moi un 0un changement nécessaire car inévitable des mœurs politiques dont les effets devraient se faire vigoureusement ressentir dans les prochaines années.

 

D’ordinaire,  le conseil constitutionnel est saisi par les adversaires d’un texte, et non par le camp qui en est à l’origine.

Mais le contexte a changé. 

Les étudiant sen droit l’ont appris dès la première année de fac : le contrôle de la conformité des lois à la constitution s’exerce en principe « à priori » et « ‘in abstracto« .(conformément aux article 60 et 61 de la constitution)

Pire, il est facultatif, ce qui signifie que sauf saisine du conseil constitutionnel rien n’empêche le parlement de faire rentrer dans le droit français des textes qui violent allégrement sa constitution.

 

Nicolas Sarkozy connaît bien la question pour avoir été l’artisan de nombreux textes de ce type, notamment en matière de sécurité. 

Il est donc étonnant de constater qu’il aura lui-même été à l’origine de la la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 qui a introduit dans notre droit la question préjudicielle de constitutionnalité.

Accordons-lui au moins cela, cette réforme restera à la fois comme un in contestable succès de Nicolas Sarkozy et une véritable avancée en matière de protection des droits.


Je  vous en parlais il y a de cela quelques jours, depuis l’entrée en vigueur de ce recours, plus aucune disposition inconstitutionnelle n’est à l’abri de la censure.

  

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Cela avait d’ailleurs amené Patrick Devbedjian à déclarer il y a plusieurs mois que 

« Le Conseil constitutionnel a de plus en plus tendance à vouloir faire la loi en lieu et place du Parlement » [source]

Aussi pénible que cela soit pour moi de le reconnaître, sur ce point Devedjian a raison. 

 

Et cela, Jean Francois Copé l’a bien compris.

Depuis des mois l’homme a fait de la question de la Burqua un vigoureux combat politique qui vise bien moins à faire voter une loi qu’à le positionner stratégiquement sur l’échiquier politique.

 

Or, à présent qu’existe la question prioritaire de constitutionnalité Jean Francois Copé sait bien que le projet de loi sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public ne saurait d’une manière ou d’une autre échapper au contrôle du conseil constitutionnel. 

Il ne s’agit donc pas ici de « lever toute incertitude » sur un texte dont la constitutionnalité a plusieurs fois été mise en doute que de mettre en avant une volonté politique de porter ce texte aussi loin que possible. 

 

Le « coup politique » est ici sans grand risque. 

Dans l’hypothèse improbable où le texte serait purement et simplement validé par le conseil Constitutionnel, ses artisans pourraient triompher. 

Dans le cas contraire, ils auront beau jeu de critiquer ce Conseil qui contredit les élus du peuple qui auront pourtant tout tenté…

 

Peu importe le résultat, il y a au moins une bonne nouvelle.

L’air de rien, nous venons de passer d’un système politique où chacun avait beau jeu de faire fi de la constitution à un état où nos parlementaires n’ont plus d’autre choix que de s’y confronter.

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