Billets, nos droits, societé

Le crédit de la réforme (ou l’inverse)

Je ne m’explique pas le relatif désintérêt de la presse pour le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation,qui après plus d’an an de discussion au parlement, a été adopté cette nuit par le Sénat dans un relatif silence médiatique.

En toute bonne foi, je dois reconnaître avoir vu passer un deux articles sur le sujet dans la presse. 
Mais « les échos« , « La tribune » ou Dalloz.fr ne sont lus que par des initiés.


La majorité présidentielle aurait pu s’emparer de ce sujet comme une illustration de l’action qu’elle mène concrètement et dès à présent pour « moraliser le capitalisme »et réguler le secteur bancaire comme elle se prêt à le répéter. 
L’opposition aurait pu une nouvelle fois dénoncer comme elle l’avait fait il y a un mois de cela par la voix du député Jean Gaubert,

 un texte en trompe-l’œil inspiré par et pour les prêteurs et contre les emprunteurs ».[source]

Mais il faut croire que donner son avis sur la faillite de l’équipe de France est plus porteur que l’analyse des conditions futures de l’endettement des Français.


Quoi qu’il en soit, le fait que l’on ait plus ou moins jeté une burqa un voile pudique sur ce sujet d’actualité pourtant susceptible d’avoir une influence directe sur la vie de l »immense majorité des français suffit à me le rendre intéressant.

Car au delà de l’aspect politique évoqué plus haut, l’impact sociétal de cette réforme sera directement ressenti par les « consommateurs » et aura directement une incidence sur la façon d’un l’un achètera son nouveau véhicule ou l’autre financera son superbe ordinateur


Le texte est à la fois trop long, trop technique et trop jeune pour que je vous en livre un analyse précise. 
Mais dès à présent, je relève que derrière les dispositions protectrices des consommateurs mises en avant par le ministère de l’économie se trouvent de bien beaux cadeaux à l’intention des établissements de crédit. 


Au nombres des changements prétendument protecteurs figure par exemple l’encadrement de la publicité des crédits à la consommations par des dispositions telles que : 

« Toute publicité, à l’exception des publicités radiodiffusées, contient, quel que soit le support utilisé, la mention suivante : “Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager.” » [art 2]

Vous me permettrez de rester humblement dubitatif quant à l’efficacité d’une telle mesure sur le consommateur assailli d’incitations à s’offrir la dernière tablette tactile… 

A l’opposé, la nouvelle rédaction de l’article L 311-1 du code de la consommation est un de ces cadeaux qui devraient sacrément plaire aux établissements de crédit. 
Dans sa rédaction votée hier soir, celle qui devrait entrer en vigueur d’ici à la fin de l’année cet article prescrit désormais la chose suivante :

Art. L. 311-1. – Au sens du présent chapitre, sont considérés comme :

(…) 4°  Opération ou contrat de crédit, une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture  » [source]

Pour mémoire l’Art. L. 311-2 al. 2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la réforme disposait : 

Pour l’application du présent chapitre, la location-vente et la location avec option d’achat, ainsi que les ventes ou prestations de services dont le paiement est échelonné, différé ou fractionné, sont assimilées à des opérations de crédit. [source]

Cet alinéa se présente désormais comme suit :

« Pour l’application du présent chapitre, la location-vente et la location avec option d’achat sont assimilées à des opérations de crédit. »

Grâce aux efforts conjugués du gouvernement, de l’Assemblée et du Sénat, « les ventes ou prestations de services dont le paiement est échelonné, différé ou fractionné » accordés à des consommateurs ne disposeront bientôt plus du formalisme protecteur offert par le livre 3 du code de la consommation. 

Les établissements de crédit qui pratiquent ces opérations n’auront bientôt plus besoin de reproduire toutes ces mentions obligatoires qui les dérangent. 
Les mêmes établissements n’encourront plus le risque d’être déchu du droit de percevoir des intérêts en cas de manquement à la loi.
Merci Père Noël.


Un mot encore, sur la part de la réforme qui a été provisoirement reportée. 
Le texte prévoit dès à présent un article selon lequel :
L’article L. 311‑9 du même code est ainsi rétabli :

« Art. L. 311‑9. – Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333‑4 [NDLA : il s’agit du FICP], dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333‑5. »

Afin de permettre aux établissements de crédit de s’assurer de la solvabilité de leurs clients, il avait initialement été envisagé d’accorder aux établissements de crédit un pouvoir d’investigation bien supérieur à la simple consultation du fichier des incidents de crédit aux particuliers. 


Il s’agissait de créer à leur intention un fichier « positif » qui recenserait l’ensemble des crédits accordés aux particuliers sur tout le territoire Français. 
Si cette idée n’a provisoirement pas été retenue, elle n’est toutefois pas abandonnée ainsi qu’en témoigne ‘article 49 du projet de loi ainsi rédigé :
La création d’un registre national des crédits aux particuliers, placé sous la responsabilité de la Banque de France, fait l’objet d’un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, élaboré par un comité chargé de préfigurer cette création et dont la composition est fixée par décret.
Ce rapport précise les conditions dans lesquelles des données à caractère personnel, complémentaires de celles figurant dans le fichier mentionné à l’article L. 333‑4 du code de la consommation et susceptibles de constituer des indicateurs de l’état d’endettement des personnes physiques ayant contracté des crédits à des fins non professionnelles, peuvent être inscrites au sein de ce fichier pour prévenir le surendettement et assurer une meilleure information des prêteurs sur la solvabilité des emprunteurs, dans le respect de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.[Même source que plus haut]
Certes, il ne s’aghit pas d’un péril imminent. 
Et Christine Lagarde semble très opposée à la création d’un tel fichier.   
Mais il me paraissait important de vous toucher un mot de ce projet, qui reste dans les tuyaux et vient mettre sa pierre à l’édifice déjà massif du fichage des particuliers.


 PS : 
Pendant que j’écrivais ceci quelques courageux journalistes on fini par rendre leurs copies et publié par exemple : 

 Vous noterez au passage leur ton bien plus optimiste que le mien ! 

… On croirait par moments y retrouver des reprises un rien paresseuses de la communication du ministère 😉

Laisser un commentaire