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Le navet du prophète



La semaine dernière M6 repassait « Couvre Feu » un film d’Edward Zwick avec Bruce Willis et Denzel Washington passé plus ou moins inaperçu lors de sa sortie en France. 

Entendons nous bien. Le fil fourmille de défauts.

Le temps n’a d’ailleurs rien arrangé, un film raté se bonifie rarement avec les années.  Le jeu atone de Bruce, Willis, les tirades d’un Denzel Washington visiblement peu convaincu par son texte, la réalisation d’un Edward Zwick scolaire qui livre manifestement un travail de « commande » sont autant d’éléments irrattrapables.

Le film avait d’ailleurs été sérieusement épinglé en son temps par la critique principalement en raison de son scénario : 

Première
Dès que l’armée débarque avec ses gros sabots, l’intensité baisse d’un ton et le scénario se laisse gagner par l’hystérie.

Le monde
Le réalisateur Edward Zwick a essayé de tirer parti d’un scénario imbécile pour livrer une parabole sur les limites de la démocratie américaine et les dérapages de la CIA. [via allociné]

Pourtant, il s’est passé une chose que les critiques n’avaient pas prévu.
Entre 1998, date de sortie du film et aujourd’hui ce scénario est devenu réalité.

Couvre feu c’est l’histoire d’un groupe terroriste islamiste qui décide de prendre New York pour cible à l’occasion d’une série d’attentats.
Dans ce contexte le gouvernement Etasunien décide d’employer les grands moyens et décrète la loi martiale dans New-York.
des législations d’exceptions sont mises en oeuvre et des citoyens arrétés, mis au secret et torturés dans le cadre de la recherche des terroristes. 

Bien sùr Denzel sauve tout le monde à la fin et renvoie l’armée dans ses pénates ce qui est en effet assez capillotracté. 

Pour le reste, on a plus ou moins l’impression d’assister à une vision prophétique annonciatrice des mesures attentatoires aux libertés qui ont vu le jour aux Etats-Unis et en Grande Bretagne à la suite du 11.09.2001 et qui sont à présent si décriés dans ces pays.

  


Seulement, je ne crois pas à la voyance. 
Alors je suis contraint de supposer que si des scénaristes ont pu prévoir ce qui est arrivé, c’est que c’était bêtement prévisible. 
Après tout, les républicains qui ont porté G. W. Bush au pouvoir ne sont pas tombés du ciel…
Pour n’avoir pas grand intérêt aux yeux des cinéphiles, Couvre-Feu pourrait cependant un jour rencontrer un certain succès auprès des historiens, voire des sociologues.
Car ce qu’il illustre en somme c’est le caractère mouvant des repères démocratiques.
Le niveau de contrainte « acceptable » que l’État peut exercer sur les citoyens n’est pas une chose figée et ce qui paraissait hier l’apanage des régimes totalitaires peut sembler légitime aujourd’hui.
Réfléchissez un instant, si l’on vous avait dit il y seulement dix ans que l’Etat souhaitait vous filmer dans tous les lieux publics afin de vous protéger vous ne l’auriez probablement pas cru.
Pourtant, cela ne semble pas socialement inacceptable lorsque aujourd’hui :
La ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, prévoit le triplement des caméras sur la voie publique d’ici à fin 2009 et le rédeploiement de 4 000 policiers dans les quartiers sensibles, [source]
Les temps changent…
Mais pourquoi s’y opposer ? Vous n’avez rien à vous reprocher non ?

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