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Vers une grande profession du droit ?

Il n’aura échappé à personne que depuis quelques mois la France est atteinte de commissionnite aiguë. 
Or, s’il est un domaine qui fait décidément réfléchir c’est bien la justice. 
Alors même que les blessures suscitées par la réforme de la carte judiciaire ne se sont toujours pas vraiment refermées, la chancellerie a déjà mis  en branle un nouveau chantier qui  risque fort d’être durant de nombreux mois la cause de nombreuses polémiques. 
Ce chantier, c’est celui de la réflexion sur la création d’une « grande profession du droit » qui a été confiée voici un peu plus d’un mois à la commission Darrois
J’ai attendu quelques semaines avant de vous en parler pour au moins deux raisons. 
La première c’est que je n’aime pas les réactions « à chaud » de sorte qu’il m’a semblé plus raisonnable de laisser un peu de temps à ma réflexion pour se contruire et à la commission pour s’installer. 
La seconde est moins louable, vous serez nécessairement plus nombreux à lire ce billet au moment où j’écris ces lignes qu’au cœur de ce mois d’aout qui me parait déjà bien loin

Plus que de vous décrire par le menu tout le mal ce que je pense de cette initiative il me semble plus honnête de vous livrer « en l’état » la lettre de mission adressée par Maitre Jean Michel DARROIS.

                                                                                                                
Comme souvent malheureusement la première des polémiques que suscite la commission Darrois ne concerne pas le fond du problème mais sa composition. 

En effet, alors même que celle-ci est chargée dé finir les nouveaux contours possibles de la profession d’avocat il semble que ceux-ci aient été pour le moins oubliés lors du processus de nomination. 
La réflexion est d’ailleurs valable en ce qui concerne les autres profession judiciaires. 
Lisez plutôt.

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  • deux professeurs de droit : Laurent Aynes et Christophe Jamin
  • deux parlementaires : François Zochetto (sénateur UDF et avocat) et Sébastien Huyghe (député UMP et notaire)
  • l’ancien ministre socialiste Henri Nallet
  • un conseiller d’Etat Olivier Fouquet
  • Christophe Ingrain (magistrat et adjoint de Patrick Ouart, conseiller justice de Nicolas Sarkozy)
  • Henri Potocki (magistrat)
  • le syndicaliste Jean Kaspar
  • Hans Peter Frick, le secrétaire général du groupe Nestlé pour les grandes entreprises
  • Françoise Holder, patronne de Ladurée pour les PME
Entendons nous bien. Je ne me risquerais pas à critiquer la qualité des membres de la commission Darrois. 
Je en peux m’empêcher cependant de supposer que ceux-ci ont été précisément nommés pour leur sympathie (sentiment qu’il ne m’appartient d’ailleurs pas de critiquer) à l’égard d’un résultat truqué et prévu par avance. (mon petit doigt et mon moteur de recherche me soufflent que je ne suis le seul blogueur à penser que les choses sont réglées par avance)

Le résultat attendu, est bien sûr le fond du problème.
Il s’agit de tenter une fusion entre différentes professions judiciaires. (avocats, notaires conseillers en propriété intellectuelle …) 

A l’instant, vous qui ne fréquentez pas nécessairement ces honorables professions tous les jours vous posez probablement au moins deux questions tout à fait raisonnables : 
  • mais pourquoi ils feraient une chose pareille ?
  • est-ce que ce ne serait pas mieux ? 

C’est bien sûr à ce stade que démarre la seconde polémique.

Mais parce que mon ambition n’est pas de rentrer dans une vaine querelle d’Opinion. je vais plutôt essayer de reformuler le problème.
La question du système judiciaire est indissociable de celle du modèle de société. 
Sans qu’il soit dans l’absolu meilleur ou moins bon, chaque pays  choisit de se doter d’un système qui reflète à la fois ses valeurs et son histoire. 
C’est particulièrement le cas en France. 
Comme d’ailleurs clairement évoqué dans  la « lettre de mission » reproduite ci-dessus fusionner les profession judiciaires reviendrait à accentuer les modes de règlements « alternatifs » des litige mais aussi à imposer aux parties de régler les problèmes bien plus en amont (dans le cabinet de l’avocat) de manière à réduire à l’extrême la sphère d’influence du juge. 
D’un point de vue comptable la solution parait certes séduisante. 
La déjudiciarisation de nombre de litiges (qui est déjà depuis longtemps entamée) mêlée à une réduction parallèle du rôle du juge aurait pour mérite de rendre la justice plus rapide et moins couteuse pour le contribuable.

Seulement l’histoire récente a rappelé  que la transparence (qui est une composante essentielle de ce que doit être la justice) était tout sauf l’apanage cette « simplification » supposée.   

Je reformule donc une fois pour toutes la question.
De quelle justice voulons nous ?

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