six nuits

Six Nuits (4/6) : Papas

1
Ca se passe au mois de juin, dans un petit immeuble résidentiel aux façades roses et blanches.
Paul est un petit garçon rondouillard de quatorze ans. Il a les yeux verts et des cheveux couleur des blés.
Il vient de sortir de classe. Son sac à dos sur une épaule, il referme d’un tour de clé la cave dans laquelle il vient de ranger son vélo.
Alice habite au cinquième étage. Elle est dans la même classe que Paul mais ils se parlent peu.
Les bords métalliques de la porte vitrée du hall d’entrée claquent bruyamment derrière elle. Paul se retourne et la salue d’un hochement de tête.
Alice a quatorze ans également. Ses cheveux châtains, coupés à la garçonne, mettent délicieusement en valeur ses yeux d’un vert intense. Enfin, c’est à peu près ce que Paul a dit à Kader quand il lui a demandé ce qu’il pensait d’elle. Il lui a aussi parlé de la chaleur de ses seins lorsqu’il a effleuré sa main l’autre jour en arts plastiques. Elle s’était penchée pour ramasser une gomme…Depuis, Paul laisse toujours sa gomme en évidence sur son bureau ; au cas où.
Alice choisit de monter par les escaliers. Elle porte un sweat-shirt noué autour de la taille pour cacher des hanches qu’elle trouve trop rondes.

Comme en général, il ne sait pas quoi dire lorsqu’il est seul avec Alice, ce qui arrive de toute façon rarement, Paul choisit de rejoindre l’appartement de ses parents – au troisième- par l’ascenseur. De toute façon, il n’aime pas trop les escaliers. Trop fatigant…

2

Pour la première fois depuis longtemps, Alice ouvre la porte de l’appartement avec un réel enthousiasme. La journée s’est si bien passée ! Elle est première de sa classe. Son seize sur vingt de moyenne lui a valu les félicitations du conseil de classe. Et encore, le sport fait baisser sa moyenne… Mais ce qui a fait le plus plaisir à Alice, c’est le commentaire de Mme Demeleumeister, la prof de français : « Tous mes encouragements à une élève très talentueuse ».
Alice apprécie beaucoup Mme Demeleumeister. Plus tard, elle sera professeur de français, comme elle. Ou pourquoi pas écrivain.
Après un rapide coucou à sa petite sœur Marie-Agnès qui fait une réussite dans la cuisine, Alice se dirige vers le salon.
Alice n’a pas de chambre car l’appartement est trop petit. Elle et sa sœur dorment dans des lits-placards. Alice fait doucement descendre le sien. Coincé entre deux ressorts se trouve son cahier de poèmes.
Elle y compose ses propres œuvres (qui sont ma foi plutôt pas mal, merci de l’avoir demandé) à côté des textes de René Char, Péguy et Saint Exupéry.
Etendue sur son lit, Alice relit et corrige son cahier. Elle rêve. Un jour elle sera Zola ou Saint Ex.


3

Paul vient de finit son goûter. Il se brosse les dents dans la salle de bains. Ses parents ont eu la bonne idée d’acheter et de réunir deux appartements. Ils disposent ainsi de deux chambres et d’une salle de bains. Les autres appartements de ce vieil immeuble construit à la hâte après-guerre, eux, n’en disposent pas.
Paul s’est toujours demandé comment les autres résidents de l’immeuble supportaient de se laver dans l’évier de la cuisine. Il suppose que l’on finit par s’habituer à tout.
Maman essuie la table du goûter, papa se repose dans la chambre. Paul en profite pour q’installer devant la télé.
Les choses sont bizarres à la maison depuis que papa est malade. Il dort beaucoup et maman fait beaucoup plus de choses à la maison.
Depuis l’été dernier, papa a attrapé une maladie qui fait fondre ses muscles. Il maigrit beaucoup, il devient tout faible.
Cet hiver, lorsqu’ils sont partis marcher en forêt tous les deux, papa n’avait même plus la force de conduire pour rentrer à la maison. Il a demandé à Paul de passer les vitesses à sa place.
Maintenant, il y repense à chaque fois qu’il monte à l’avant d’une voiture.
Depuis une semaine, papa ne coupe plus sa viande tout seul. Depuis six mois, il se servait d’un opinel car le manche épais tient mieux dans sa main molle.
A la maison, la routine tient bon…on s’habitue à tout.
Paul est souvent contrarié. Depuis que papa n’est pas bien, il n’a plus jamais l’occasion d’avoir la maison à lui seul.

A l’instant, il pense simplement à Sangoku qui fout une trempe à Freezer à al télé. La télécommande dans la main, il rit.

4

Le repas se termine doucement. Alice et Marie-Agnès finissent leur assiette en silence. Les deux filles regardent en tremblant leurs parents entamer leur troisième brique de rouge.
Alice n’a vraiment pas envie de les voir boire ce soir. Elle a tant de choses à leur dire à la fin du repas. Ce n’est pas tous les jours qu’on annonce à ses parents ce que l’on veut faire de sa vie.
Elle aura son bac, un bac littéraire ! Enfin, ils seront fiers d’elle ! Elle fera mieux qu’eux deux réunis. Bientôt, elle sera heureuse. Bientôt, tout ira bien.

5

Une paire d’écouteurs sur les oreilles, Paul fait la vaisselle en chantant.
Avant, papa la faisait tout le temps alors Paul pense que maintenant c’est à lui de la faire.
Hier soir, il a surpris maman en train de la refaire après qu’il soit parti se coucher. Il n’est pas très sûr d’avoir compris pourquoi.
Son tee-shirt est trempé d’eau de vaisselle lorsqu’il revient dans le salon. Maman fume frénétiquement sur son canapé. Le journal de la 2 est en train de se terminer.
La tête de papa repose lourdement sur le dossier de son fauteuil. Son visage est crispé comme rarement.
Il demande à Paul de l’aider à se lever. Ils vont regarder le film tous les deux dans la chambre. Papa a envie de s’étendre.
Maman décide de rester dans le salon. Paul ne comprend pas vraiment pourquoi, mais pour tout dire, il ne se pose pas vraiment la question.
Paul ressent pour la première fois une inquiétude réelle lorsqu’il prend sur ses épaules ce père qu’il découvre maintenant incapable de marcher.
Il se dira plus tard que sa vie d’adulte a commencé à cet instant, durant les quelques mètres qui séparent le salon de la chambre de ses parents.
Il priera longtemps dans l’espoir de ce jour où il pourra reprendre, enfin, son enfance là où elle s’était arrêtée.

 
6

Deux étages plus haut, Alice non plus n’en mène pas large. Lorsque son père a appris son projet, il est entré dans une rage que l’alcool a aidé à rendre folle.
Que sa fille ait des velléités de faire des études lui paraît déjà risible. Elle a peut être réussi à amadouer ses professeurs jusqu’à présent, mais lorsque les choses deviendront sérieuses, là ; elle comprendra qu’elle est loin d’être assez intelligente. Et ce ne sont pas les conneries qu’elle lit à longueur de journée qui l’aideront. De plus , la perspective d’un bac l’empêcherait de contribuer aux charges de la maison, comme elle pourra le faire dès qu’elle aura seize ans.
Après quelques minutes de monologue, celui que ses filles appellent entre elles le « père fouettard » ou encore « fachoder », se met en tête de se montrer à la hauteur de ses tristes surnoms.
Marie-Agnès est enfermée dans le placard. Elle ne pleure pas. Elle a l’habitude.
Le père fouettard, avec son humour singulier, a offert un étrange cadeau à Alice pour ses douze ans. Il s’agit d’un martinet. Cet objet possède, pour le père d’Alice, la double vertu de maintenir l’ordre sous son toit et de lui faire économiser sa ceinture.
Alice le voit bien, son père a à l’instant très envie de lui rappeler ce qu’est l’ordre. Dans sa tête, Alice entame une prière à la vierge.


7

La chambre est éclairée par la lumière douce de la lampe de chevet de papa.
Paul est assis par terre au pied du lit. C’est sa place dans cette chambre. C’est à qu’il vient dormir, lové dans sa couette lorsqu’il fait un cauchemar. C’est donc là aussi que papa le réveille en trébuchant sur lui dans la demi-lumière du matin.
Papa était vraiment crevé. Il a dit à Paul de choisir le film. Même s’il est quasiment certain que ça ne plaira pas trop à papa, Paul a mis « Hot shots », le film de la une. Ca fait longtemps qu’il voulait le voir.
Papa n’a rien dit depuis que Paul l’a étendu dans le lit. Paul est entièrement absorbé par le film. A l’écran, Charlie Sheen est attaché. Une parodie de soldat irakienne fait mine de le torturer. Il lui demande « Ou sont les missiles localisés ? » Charlie, déguisé en caricature de Rambo ne se démonte pas. Il éructe « tout près ».
Le soldat le frappe « Où ça ? ». Charlie lui crache au visage « Dans ton cul ! ».
Paul éclate de rire. La lourdeur de ce gag grossier libère en lui un rire incontrôlable.
Dans son dos, papa tousse faiblement. Paul se retourne distraitement. Papa dort. Sur l’écran, Charlie massacre frénétiquement les irakiens.

8
Alice est à terre. Des perles rouges pointent ça et là sur les longues traînées pourpres qui lui sillonnent le dos.
Alice n’a pas mal. Elle ne pleure pas. Elle regarde les morceaux de son cahier qui tombent tristement à terre comme une lente pluie de larmes.
Alice ne comprend pas, Alice n’accepte pas. Elle essaie de prier mais n’en a plus la force.
La dernière phrase du Christ sur sa croix résonne dans sa tête et prend soudain la force d’une absolue vérité « O père pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Un pigeon passe à quelques centimètres de la fenêtre du salon.
Alice s’élance à sa suite. Bientôt tout ira bien. Bientôt.

9

Le film est terminé. Paul est dans son lit. A l’instant, lorsqu’il s’est levé pour embrasser papa avant d’aller lui-même se coucher, il n’a pas réussi à le réveiller.
Il a couru dans le salon, Maman fumait toujours sur le canapé. Elle lui a dit que c’était normal, qu’à cause de sa maladie papa était très fatigué, qu’il devait le laisser dormir.
Lorsque Paul a fermé la porte de la chambre, maman était déjà couchée. Elle tenait papa dans ses bras.
Paul est inquiet, il sait. Non…Maman lui a dit que tout va bien. Il ferme les yeux et s’endort instantanément.
Par la fenêtre, une ombre passe, puis s’écrase sans bruit. Paul est endormi. Dans son rêve, il serre Alice fort dans ses bras.
six nuits

Six nuits (5/6) : machine à reves

1
Le soleil se couchait sur Paris. Une fois de plus. Le bouclier déflectique qui entourait la planète donnait au ciel une lueur vert pâle, colorée à cette heure de reflets pourpres et violacés. Kobe Konrad, président de Gaumont Industries contemplait, debout face à la haute fenêtre de son large bureau, le monorail qui survolait lentement les Champs Elysées. Le bureau était plongé dans la pénombre. Les seules ombres de la ville dessinaient ça et là des formes fuyantes. Les objets fixés aux murs semblaient s’animer pour devenir des monstres mythologiques. Ces objets étaient les vestiges d’un temps révolu. Des caméras, des costumes, des projecteurs. Un temps dont Konrad pensait être seul à se souvenir. L’époque à laquelle sa société était encore un studio de cinéma s’était désormais figée dans les livres d’histoire. Figée par la machine à rêves.
 
 La machine à rêves. Un coup de génie qui avait à la fois sauvé sa société de la ruine et détruit son rêve. Konrad était l’un des derniers représentants d’une génération qui avait connu le cinéma. Le cinéma était une affaire de magiciens. Des artistes qui avaient encore des choses à dire, des histoires à raconter.

 Konrad tenta de se reprendre. L’heure n’était pas au sentimentalisme. Pas en un pareil moment.Le contrat qui liait sa société et Childe Harold, l’inventeur de la machine, touchait à sa fin. Dans vingt-quatre heures, ce fou de savant serait libre de vendre les droits sur son invention. Et comme de bien entendu, celui-ci avait disparu depuis maintenant six mois. 
Six longs mois ; Konrad s’en voulait de ne pas s’être inquiété plus tôt de ce problème. Il avait été tellement absorbé par le lancement de la nouvelle version de la machine ; le modèle « Wonderland », qu’il n’avait pas pris garde au reste du monde.Non ; il ne pouvait pas laisser cet abruti faire tout capoter. Pas maintenant.L’intercom se mit en marche ; le visage de Byron, le chef de la sécurité de Gaumont apparut par transparence à la fenêtre. 
  • – Ça y est, on l’a localisé, monsieur. 
  • – Quattendez-vous pour intervenir, abruti ? 
  • – Justement, monsieur. Nous n’avons pas discuté des éventuelles mesures à prendre au cas où il refuserait de nous suivre, ce qui, vu les circonstances, semble plus que probable. 
  • – Ramenez-le-moi ici, vivant, à n’importe quel prix, par n’importe quel moyen. 
  • – Suis-je assez clair ? 
  • – Bien monsieur.
Le visage de Byron disparut de la fenêtre, replongeant le bureau dans l’obscurité. La
main posée sur sa nuque, Konrad se mit à pleurer.

2

Enfin, les voyants lumineux s’allumèrent en rythme. L’homme se releva, le visage noyé de larmes et de sueur. Son visage se reflétait distinctement sur le métal poli. Il regarda la machine se mettre en route comme s’il s’agissait de son propre cœur. Son regard s’était maintenant figé en une éruption de joie démente.

Une porte s’ouvrit sans bruit à l’autre bout de la pièce. Lentement, une masse métallique à la forme vaguement humanoïde s’approcha dans un bruit où se mêlaient les cahots de l’usine et du temps.
L’homme se retourna d’un saut à pieds joints et s’écria :

  • Ah, te voilà ma vieille Alix ! 
  • Oui professeur Harold. C’est l’heure de votre repas professeur Harold.


La voix de l’androïde contrastait avec ses formes rugueuses ; le professeur regrettait parfois de ne pas lui avoir donné un aspect plus agréable. Toujours cependant il se ravisait : si Alix avait un aspect plus réaliste, si elle n’avait pas de temps en temps une lenteur mécanique, un craquement dans sa voix, il finirait certainement par un jour la croire humaine…
 
Harold ramena lentement à sa bouche la timbale cabossée et avala comme à son habitude, sans émotion, le liquide épais quAlix lui servait trois fois par jouir à heures fixes depuis…Depuis combien de temps ? Il n’en était plus très sûr.

Quand il travaillait ainsi, le temps avait tendance à se dilater, puis à se rétracter jusqu’à perdre toute substance. Pour garantir le secret de ses travaux, et surtout celui de se présence en cet endroit, Harold avait fait en sorte que son laboratoire ne dispose d’aucune fenêtre ni d’aucune autre sorte d’ouverture directe vers l’extérieur. La conséquence à long terme de cette disposition des lieux était qu’il avait peu à peu perdu toute notion du jour et de la nuit. Il ne cédait plus désormais au sommeil que lorsque cela lui était vraiment indispensable, lorsque la fatigue nuisait à sa concentration et mettait par conséquent ses travaux en danger.
 
Childe Harold détestait dormir. C’était en effet juste avant de s’endormir qu’il ressentait le plus la présence de « l’autre ».
 
Mais désormais, tout cela n’avait plus d’importance.
 

 3
Avant de partir, le professeur décida d’aller faire un dernier tour dans le parc. A sa grande surprise, le soleil se couchait. Les pluies acides, que le contrôle environnemental n’arrivait pas toujours à réguler, avaient fait de son gazon une masse de formes jaunies et même noirâtres par endroits.
A sa gauche, un mélange boueux de terre et de poussière amalgamés s’étalait au fond de la piscine sonique.
 
Childe se rappelait de l’antique piscine sonique dans le jardin de ses parents. Il se revit en train d’y pousser Chiara sa petite sœur. Il revit la colère dans ses yeux ; et presque immédiatement son sourire. Childe retint une larme.
 
D’autres images lui revenaient en mémoire. Le grand repas de famille à l’occasion de son prix Nobel. En y réfléchissant bien, « l’autre » avait toujours été là ; mais c’est au cours de ce repas qu’il avait réellement pris conscience de sa présence.

« L’autre », il avait décidé- non sans une certaine malice- de le nommer Abel.

Le prix qu’il venait alors de recevoir consacrait sa récente invention, « GénICE », ou plutôt le générateur interface céphalo-environnemental. Cet appareil ; basé sur la technologie des micro-impulsions, était destiné à permettre à des gens plongés dans un coma profond de communiquer avec leurs proches. En pratique, il s’agissait d’une interface permettant à un individu de projeter ses pensées dans l’esprit d’autrui sous la forme d’images cohérentes.
 
Il était assis là, en bout de table, une part de gâteau dans la main, persuadé d’avoir réalisé là une découverte majeure pour l’humanité. Il pensait médecine, aide aux personnes âgées, il pensait avoir enfin mis au point le moyen de communication universelle. Pendant que lui rêvait déjà à la nouvelle ère de paix que sa machine allait pouvoir instaurer de par le monde, son père prit la parole.

  • – Je suis fier de toi mon fils. Cet appareil te rendra riche. Laisse-moi m’occuper de tout. Tu vas entrer dans l’histoire !
  • – Childe voulut corriger son père. Il n’avait construit sa machine que par passion, en essayant maladroitement de rendre service. A aucun moment il n’avait pensé aux conséquences que pourrait avoir son invention sur sa propre vie.

Il se retint cependant… Quelque chose en lui l’avait arrêté. Pour la première fois depuis longtemps, il était admiré. Lui que ses recherches avaient trop longtemps isolé se sentait aimé pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité.
 

Et peu importe si ce n’était pas pour les bonnes raisons.
 

Durant les premiers mois, le profond décalage qui existait entre celui qu’il était, celui qu’il se savait être et celui que le reste du monde voyait en lui ne le dérangeait pas outre mesure.
 
Peu à peu, il prenait goût aux dîners, aux rencontres prestigieuses, au luxe. Il passait de moins en moins de temps dans son laboratoire. Le contrat d’exclusivité pour l’utilisation de la machine, passé par son père avec un studio de cinéma au bord de la faillite, lui assurait un revenu conséquent.
Il devenait quelqu’un d’autre ; sans vraiment s’en rendre compte. L’image qu’il projetait, tout d’abord par jeu, sans trop la prendre au sérieux, se transformait peu à peu en une facette réelle de sa personnalité. Puis un jour, il prit conscience qu’il était devenu deux personnes, lui et Abel.
 
Peu à peu, il ne vit plus quAbel dans sa glace. Il considérait Abel comme un salaud hautain, snob et prétentieux. C’est alors que sa vie se changea en une violente souffrance.
 

 

Se débarrasser d’Abel devient désormais son obsession. Mais comment tuer une partie de soi ? Malgré toute sa science, Childe n’en avait aucune idée.
 
Sa machine était un immense succès commercial. Gaumont avait décidé de se servir du procédé pour mettre au point un système de réalité virtuelle capable de plonger l’esprit de l’utilisateur dans un monde artificiel. L’efficacité de cette application de sa machine était véritablement bluffante. Gaumont avait également rebaptisé sa machine, connue désormais sous le nom de « Machine à rêves ».
 
Les applications thérapeutiques de la machine avaient été, aux dires de la société « mises en veille pour un temps, le temps de rentabiliser et faire connaître la machine sur des marchés plus porteurs ».
 
Le plus porteur de ces marchés était naturellement la vente de programmes de sexe virtuel. L’utilisateur pouvait modeler, moyennant finance, l’apparence, le caractère et le nombre de partenaires selon ses envies.
 
Surcroît de publicité, le procédé avait déclenché diverses polémiques. Certains avaient en effet choisi de modeler l’image de leurs proches. La question de savoir si le fait d’avoir un rapport sexuel avec une copie virtuelle non autorisée constituait ou non un viol avait divisé l’opinion publique pendant plusieurs mois.
 
Ces divers événements confortèrent Childe dans son désir d’en finir avec Abel ; après tout, c’était lui qui avait détourné son rêve.
 
C’est à peu près à ce moment que Childe eut sa première idée pour se débarrasser d’Abel. Ayant rapidement écarté le suicide, qui constituait selon lui une solution définitive à un problème temporaire, il finit par trouver une solution pour détruire Abel sans se détruire lui-même.
 
Puisque Abel n’était qu’une image, une projection de lui-même reflétée par les yeux de son entourage, il allait s’isoler, se couper du monde le temps qu’il faudrait, se faire passer pour mort si nécessaire, jusqu’à ce que toute trace d’Abel ait disparue.
 Ainsi Abel serait effacé, définitivement.
 
Childe Harold avait alors fait l’acquisition d’une ferme et y avait installé un laboratoire secret. La prodigieuse fortune dont il disposait désormais lui permettait de réaliser ce genre de fantaisie tout en préservant son anonymat.
 
Terré dans sa forteresse de solitude, Childe n’avait alors pas complètement renoncé à garder un œil sur le monde extérieur.
Son frère, sa sœur, ses parents le recherchaient désespérément. Childe pleura longuement alors qu’il visionnait leurs nombreux messages.
 
Il fut également particulièrement ému de trouver sur sa messagerie des appels de Layna. Aussi loin qu’il se souvienne, Childe avait toujours été amoureux de Layna. Elle l’avait ébloui dès le premier regard.
Par la suite, Childe l’avait couverte de fleures, de lettres, d’attentions et de cadeaux. Bref, il avait tout fait pour qu’elle ne tombe pas amoureuse de lui. Il s’était pourtant tissé entre eux une affection profonde ; de celles qui dépassent l’amitié sans jamais en briser le tabou.
Parfois même, elle ne prenait pas la peine de le repousser lorsqu’il dormait lové contre elle, une main crispée sur son sein.
 
Layna semblait être la seule à se rendre compte du profond malaise qu’il avait développé. Layna n’avait jamais fait de différence entre Childe et Abel. Elle aimait les deux ; mais elle seule semblait avoir conscience de leur singularité.
 
Non, il ne pouvait pas leur faire ça ; il devait il y a avoir un autre moyen…Ce moyen, sa machine le lui avait fourni. Le matériel qu’i lavait rassemblé dans son laboratoire lui avait permis de réaliser un clone de lui-même. Il avait ensuite transféré les éléments de la personnalité d’Abel à son clone. Bientôt, Abel prendrait sa place, définitivement.
 
Ultime phase de son plan, le caisson qu’il venait de réaliser. Il s’agissait en fait d’un vaisseau spatial basé sur la technologie qu’il avait mis au point. Le procédé avait pour but initial de distraire les spationautes durant leurs longs trajets dans l’espace. Il allait s’enfermer dans ce vaisseau et se propulser dans l’espace, prisonnier d’un monde parfait généré par sa machine.
 
Ce qui arriverait ensuite, il le laissait au destin. Un jour, les algues nécessaires au renouvellement de l’air à bord du vaisseau finiraient par mourir. Il finirait peut-être carbonisé au cœur d’une étoile. Peu importe…
 

4
Enfin, le moment était arrivé. Tout était prêt. Tout en descendant les quelques marches qui le séparaient de son laboratoire, Childe ordonna à son androïde de mettre en route la phase de réveil de son clone ainsi que la séquence d’autodestruction du laboratoire, devenu désormais inutile et gênant pour son secret.
 
Il éprouva un profond soulagement lorsqu’il ferma la porte du vaisseau.
 

5
Le chef Byron entra tristement dans le bureau de son patron. Konrad, toujours face à la fenêtre, contenait une rage sourde.
 

  • – Que s’est-il passé, Byron ? Lui demanda-t-il violemment. 
  • – Le professeur Harold était en train de lancer une sorte de missile. Conformément à vos ordres de ne rien laisser sortir qui pourrait transmettre des informations à la concurrence, nous avons été contraints de le détruire. 
  • Cela n’explique pas pour autant la disparition du laboratoire d’Harold… 
  • Le professeur avait déclenché une procédure d’autodestruction, huit de mes hommes sont morts au cours de l’explosion. 
  • Je vois…Mais comment a-t-il pu savoir que nous arrivions ? 
  • Aucune idée, monsieur. Le professeur était en train de courir, nu, à l’extérieur de la ferme. Il a été grièvement blessé par l’un des débris du missile. 
  • Est-il vivant ? 
  • Oui monsieur, mais il est plongé dans un profond coma. Ses deux jambes ont été littéralement arrachées. 
  • Que dit la machine ? A quoi pense-t-il ? 
  • Il rêve monsieur.
six nuits

Six nuit (6/6) : rencontre sur un banc

…Si j’ai connu Daniel ? A vrai dire oui. Je ne l’ai en fait fréquenté que quelques heures, mais j’ai parfois l’impression cela a duré des années. Si je dois réellement vous dire la vérité, souvent, je me surprends à penser que je l’ai toujours connu, comme un autre moi-même qui aurait vécu ma vie à ma place.

C’était un soir ; ou plus précisément un matin d’août. Il devait être à peu près quatre heures et j’avais un peu bu.

Avignon est une ville que l’on se prend parfois à penser en village. Une de ces villes dans lesquelles les traits des habitants se fondent rapidement en visages connus. Cependant, avant ce jour, jamais je n’avais croisé le visage de Daniel.

Il était assis sur un banc, droit, dans une posture presque royale. La visible ancienneté de la crasse qui recouvrait ses vêtements, contrastait singulièrement avec la jeunesse de ses traits, la classe évidente qui émanait de sa posture.

La barbe longue et emmêlée qui lui encadrait le visage le vieillissait grandement. mais un simple coup d’œil à son front, à ses yeux, ne laissait aucun doute sur son âge. Cet homme ne devait pas avoir beaucoup plus de trente ans ; c’est-à-dire à peu près mon âge.

En dépit des trous, des déchirures multiples, des taches qui s’étaient incrustées depuis longtemps au tissu, la coupe de son pantalon, de sa veste, le tissu de sa chemise témoignaient pour un observateur un peu attentif de ce qui avait dû être un costume de prix. Armani, Versace peut-être ?

Il semblait perdu dans ses pensées, le regard vague…Il tourna légèrement la tête, prenant soudain conscience de ma présence. Il me fit un sourire.

Alors, je m’assis à côté de lui.

Bonjour, je m’appelle……………et vous ?

Vous tombez bien. J’avais justement envie de discuter un peu. Vous savez, quatre heures, c’est en général l’heure à laquelle je m’ennuie un peu. Ah…et…Daniel. Je m’appelle Daniel.

N’importe quel être humain normal serait tranquillement rentré chez lui. Moi-même, je ne comprenais pas vraiment pourquoi je me trouvais assis là, sur ce banc, alors que la raison me dictait de rentrer sagement dormir.

J’allais bientôt réaliser que parfois, le monde existe en dehors de la raison.

A aucun moment Daniel ne me posa de question. Sur moi, il semblait tout savoir, instinctivement. Des histoires folles se mirent à germer dans ma tête. J’échafaudais des hypothèses visant à découvrir l’identité de mon mystérieux interlocuteur.

Je pensais tout d’abord que Daniel devait être un détective privé. Oui, Daniel avait été engagé pour me surveiller, pour enquêter sur moi. Cela expliquait son allure qui ne ressemblait en rien ) celle d’un clochard. Cela expliquait également le costume. Comment un homme qui avait pu s’offrir ce genre de vêtement pourrait-il se retrouver à la rue ? Je fus à cet instant pris d’une soudaine angoisse. Dans les films, les gangsters portaient souvent des costumes italiens. Des images de meurtre, de violence me revenaient en mémoire. Dans quelques instants, Daniel, si c’était bien son nom, allait mettre la main à la poche, en sortir un revolver muni d’un silencieux et allait m’abattre froidement en pleine rue.

Daniel mit effectivement la main à la poche et en sortit un paquet de cigarettes qu’il me tendit. Je commençai par refuser d’un geste frénétique de la tête. Puis je me ravisai. Une cigarette, oui. J’avais besoin d’une cigarette. Fumer allait me détendre.

Non : Daniel ne pouvait pas être un tueur, qui aurait intérêt à me tuer ? De même qui pourrait bien avoir envie de me faire suivre ?

Peut être un tremblement dans mon regard qui avait-il révélé le fond de ma pensée ? Peut-être en avait-il toujours eu l’intention ? Daniel commença à me parler de lui.


Daniel avait travaillé dans………Il était brillant dans son travail. Ses résultats lui avaient permis une ascension rapide et sans heurts.

Daniel avait toujours dormi peu. A l’époque, il se réveillait tous les matins à six heures, sans réveil, se rendait six jours sur sept à son travail, à huit heures. Il menait une vie parfaitement réglée. Ses amis, ses proches, enviaient un peu sa réussite. Daniel vivait seul. Il s’était forgé ses propres règles, n’en dérogeait jamais, et cela lui convenait très bien.

Un beau matin, sans vraiment prévenir, la machine se grippa. Daniel se réveilla comme tous les matins. Une boule de nerfs se forma lentement en lui sur le chemin du travail. Une douleur sourde, violente, commença à l’envahir.

Arrivé devant la porte, il se mit à pleurer. La tête dans ses mains, assis sur une marche, le dos collé à la porte, de chaudes larmes s’écoulaient le long de ses joues, incontrôlables. Leur goût salé s’insinuait sur ses lèvres, tous ses sens, tout son être n’était plus qu’une masse ruisselante et pitoyable.

Daniel entendit des pas s’approcher, lents, réguliers. Une femme ronde aux cheveux noirs et longs portant un tailleur à la coupe grossière se dirigeait vers la porte. Le vide de son regard, la lenteur de ses mouvements témoignaient d’un réveil difficile. Dans cette femme, Daniel reconnut avec effroi sa secrétaire. I les releva d’un seul mouvement, cacha son visage rougit et se mit à courir maladivement.

Daniel attendit le lendemain matin pour ressortir de chez lui. Sa secrétaire avait téléphoné. Il avait prétexté une grippe soudaine pour expliquer son absence, mais l’avait assurée de sa présence dès le lendemain matin.

Sur le chemin, le jour suivant, il sentit à peu près la même sensation l’envahir. L’angoisse tout d’abord, incontrôlable, sans raison apparente, puis les larmes.

La même scène se répéta une semaine durant, puis une autre. Un matin, Daniel ne se leva pas. Les coups de téléphone se succédaient. Daniel multipliait les excuses. Un jour, n’en trouvant plus, il cessa de répondre au téléphone.

Daniel resta plusieurs mois enfermé chez lui. Ses volets étaient fermés. Il se faisait livrer ses repas. Il mangeait peu. Le regard du livreur de pizza lui semblait insoutenable. Le moindre bruit de pas, une sonnerie à la porte devinrent une brûlure.

Au début, le téléphone sonnait souvent. Peu à peu, il se fit plus rare. Puis, un jour, il ne sonna plus.

A l’écart de la lumière du soleil, Daniel finit par adopter un rythme propre indépendant de toute notion de jour ou de nuit.

Combien de temps avait-il passé dans cet abris ? Il n’en avait qu’une vague idée.

Parfois, tard dans la nuit, il se risquait à l’extérieur le temps de se débarrasser d’une poubelle pas trop malodorante ou de vider sa boîte aux lettres.

S’il prenait soin d’éviter que trop de courrier ne s’entasse dans sa boîte, Daniel avait cessé de l’ouvrir. A chaque fois que son regard croisait une adresse au verso d’une enveloppe, à chaque fois qu’il tentait de déchirer un pan de l’une d’elles, les larmes revenaient ; invariablement.

Daniel ne s’ennuyait jamais. Il y avait toujours un livre à lire, un film à voir, puis un autre livre à lire.

Beaucoup de repos, de bouquins et de films plus tard, les économies de Daniel commencèrent ) s’épuiser. Les enveloppes portant le nom de sa banque, de son propriétaire, commençaient à) s’entasser sur une étagère, puis une autre.

Les larmes revinrent. Daniel sut que désormais, il n’était plus en sécurité dans cet appartement. Il partait tôt le matin, rentrait tard le soir.

Toutes les villes anciennes ont de ces lieux que ne fréquentent que les touristes. Avignon ne fait pas exception à cette règle.

Le jardin des Doms est l’un de ces lieux, c’est également un endroit magnifique.

Construit sur le rocher des Doms, du haut duquel St Bénézet, selon la légende, fait tomber dans le Rhône la pierre fondatrice du pont, que la chanson a rendu célèbre ; le jardin fait face au palais des papes.

A l’est du jardin s’étend une terrasse qui domine la ville, le Rhône et offre aux yeux des touristes avides de photos un panorama sublime.

A l’ouest du jardin se trouve un étang dans lequel cygnes et canards pataugent. Face à l’étang, des tables et des bancs de bois, situés sous les arbres d’espèces variées, offrent un confort relatif au passant qui déciderait de s’y arrêter le temps d’un pique-nique.

Peu à peu, Daniel avait fait de cet endroit son refuge. Il lisait beaucoup, se nourrissait d’un sandwich qu’il finissait rarement, laissant ce soin aux pigeons et aux canards qui gambadaient autour de lui. Leur présence le rassurait.


Arrivé à ce stade de son récit, Daniel fit une pause. LA blancheur de mon visage, la crispation dans mon regard trahissaient mon sentiment. Daniel reprit la parole.

Vous me croyez fou, n’est-ce pas ?

Ne sachant trop que répondre, je niai d’un mouvement de tête, articulant une suite d’onomatopées plus ou moins intelligibles.

Voyez-vous mon ami, je suis certainement fou. Je me suis souvent posé la question et je suis arrivé à la conclusion que ma propre folie est la seule explication logique au déroulement de ma vie.

Mais, enfin…

Ne me laissant pas formuler ma pensée, il poursuivit :

Vous êtes-vous déjà demandé comment de par le monde et à maintes reprises au cours de l’histoire, des chefs religieux dont la foi prônait la paix et l’amour du prochain ont réussi à entraîner leurs fidèles dans des guerres sanglantes ?

Oui, en leur promettant la richesse, le pouvoir…

Cela ne vaut que pour les dirigeants mon ami. Seuls les dirigeants ont droit au pouvoir ; à l’argent. Je vous parle du peuple.

Et bien, c’est simple ; il leur promettait le paradis, leur disait qu’ils allaient accomplir la volonté divine…Bref, ils les fanatisaient.

Exactement. Et ce faisant, ils leur faisaient admettre le meurtre, pourtant contraire à tous leurs principes.

C’est exact. Mais, excusez-moi, je ne vois pas le rapport.

Le rapport mon ami, tient au fait que les fanatiques, les régimes totalitaires jouent un ressort bien particulier. Ils jouent sur la folie. La folie de masse.

-Pourquoi un tranquille père de famille se transforme-t-il en brute épaisse dès qu’il prend le volant de sa voiture ? La folie !

Depuis des siècles, des centaines de philosophes, de théologiens, de scientifiques se sont penchés sur le fonctionnement du monde. Et qu’ont-ils trouvé ? La raison, la métaphysique, la religion…Tous ces outils permettent certes de comprendre le monde mais n’en offrent qu’une vision tronquée. Chacun a ses limites. Je suis pour ma part convaincu que tous ces outils ne peuvent permettre de comprendre fidèlement le monde que si on leur adjoint un élément supplémentaire : la folie.

Oui mon ami, la folie est un élément de compréhension du monde, un outil indispensable !-

Je ne savais trop que penser de ces réflexions fantaisistes. J’avais depuis longtemps appris à me méfier des hommes qui prétendent posséder des solutions simples à des problèmes complexes.

Je me surpris cependant à rassembler dans mon esprit les exemples de comportement irrationnel dont moi, mon entourage, avions pu être les témoins ou les auteurs. Leur était stupéfiant.

Daniel reprit le cours de son récit.

Il se rendait tous les jours au rocher des Doms. Il faisait de longs détours, empruntait des rues que, selon lui, les avignonnais n’empruntaient jamais.

Peu à peu, des histoires se formaient dans sa tête. Enfant, le fait d’inventer des histoires le passionnait. Souvent, il se sentait un peu ridicule. Devenant adulte ; il avait peu à peu chassé ce besoin dans un coin de sa tête, préférant des activités plus convenables, plus productrices.

Assis sur son banc, penché sur son rocher, caché au-dessus de la ville, Daniel se remit à écrire. Les histoires qu’il avait longtemps emprisonné avaient maintenant grandies. Daniel les avait longtemps privées de la moindre chance de s’exprimer, d’exister, elles s’imposaient désormais. Sans qu’il ait l’impression de contrôler ses pensées ; les personnages, les sentiments, les lieux, les situations prenaient vie et corps sous sa plume. Daniel remodelait le monde au gré de sa folie.

Les pages s’entassaient. Un soir, Daniel ne rentra pas chez lui. Il ne rentrerait plus.

Lorsque je l’ai rencontré sur ce banc, Daniel tenait un manuscrit. Il était raturé et difficilement lisible. Daniel me l’a remis. Il m’a chargé de le taper pour lui, de le rendre lisible. J’ai corrigé quelques erreurs, mais à aucun moment je ne crois avoir trahi sa pensée.

Nous nous sommes quittés alors que le soleil se levait. Je l’ai serré fort dans mes bras, malgré la crasse, malgré l’odeur. En quelques heures, cet homme était devenu pour moi plus qu’un frère.

Lorsque nous nous sommes quittés, je sus que nous ne nous reverrions jamais.

Ce manuscrit, je vous le remet à mon tour. Je sais que vous le publierez, il parle d’un sujet universel, cette folie qui s’empare des gens lorsqu’ils pensent, seuls, avant de s’endormir.

Buvons un dernier verre. De toute façon, demain, je n’irai pas travailler.