la classe, littérature

Invisible [Critique]

Certes, j’ai une affection particulière pour Paul Auster. Pourtant, cela fait pas loin d’un mois déjà que son dernier roman traîne dans mes étagères, momentanément égaré, dommage bien involontaire d’un rangement hâtif.
 
Comme souvent lorsqu’il s’agit de cet auteur, vous résumer correctement la trame de ce roman serait également vous en déflorer à la fois bien trop de l’histoire et de la construction du livre. 
 
Mais je vais tacher de me lancer. 
Il s’agit ici de suivre l’histoire de Walker, aspirant poète et étudiant à la prestigieuse université de Columbia dont le destin se retrouve emporté dans une suite de péripéties après avoir croisé le chemin de Bertand de Born, un charismatique Français. 
 
La journaliste Florence Noiville écrivait il y a quelques jours la chose suivante au sujet de ce livre

« Invisible » est un vertigineux jeu de bonneteau où le lecteur prend plaisir à se perdre. Attention mesdames et messieurs : où se situe vraiment l’histoire de ce livre ? Est-elle ici ? Est-elle là ? En êtes-vous sûrs ? Cette version-ci des faits vous semble vraisemblable ? Et si elle était au contraire entièrement fabriquée ? Qui tire les fils et lesquels ? Qui triche, qui fantasme, qui manipule qui… ? Au grand bonneteau de la fiction, Paul Auster brouille et rebrouille les cartes à une allure vertigineuse. Si bien que quiconque entre dans Invisible, son treizième roman, risque fort de ne plus pouvoir le lâcher.[cf]

Pour ma part, je n’ai pu me départir de l’impression qu’Auster devient avec l’âge un gros chat qui prend plaisir à tourner en tous sens une pelote de laine, non sans la découvrir à mesure pour en révéler insoupçonné.
D’un bout à l’autre, l’auteur s’amuse avec les  notions  théoriquement fixes du roman.Il joue avec les notions de début et de fin, s’amuse à retourner les rôles de narrateur, simple personnage, écrivain ou lecteur avec une simplicité qui rend le tour de passe passe particulièrement brillant. 
 
Au passage, et puisqu’en littérature il n’est jamais question d ‘autre chose que de style, l’éditeur Actes Sud mérite quelques éloges pour s’entourer de traducteurs qui savent écrire. 
 
Alors bien sûr, on pourra reprocher à l’auteur de jongler un peu toujours avec les mêmes quilles, de se laisser aller à ses marottes. 
Mais à mon sens, peu importe. Un roman doit se suffire à lui–même sans que l’on puisse lui reprocher d’avoir un peu les même yeux que son grand frère. 
 
Or croyez-moi celui-ci fait bien plus que se suffire à lui-même.
 
Extrait :  
Après un instant, tu déposes ton verre, toi aussi. 
Vous vous laissez aller contre le dossier du canapé et Gwyn te prend la main, entrelaçant ses doigts aux tiens. Elle demande : tu as peur ? Tu lui dis que non, que tu es extrêmement heureux. Moi aussi dit-elle, et alors elle t’embrasse sur la joue, très doucement, rien qu’un léger câlin, simple frôlement de sa bouche contre ta peau
Tu comprends que tout doit aller, doit progresser à tous petits pas, que ce sera pendant un bon moment une danse hésitante et timide entre oui et non, et tu préfères qu’il en soit ainsi car, si l’un de vous deux devait être pris de scrupules, il serait encore temps de faire marche arrière et de renoncer. le plus souvent, il vaut mieux que ce qui éveille l’imagination éveille l’imaginaire, et Gwyn en est bien consciente, elle est assez sage pour savoir que la pensée et les actes peut être immense, un gouffre aussi vaste que le monde lui-même.

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