Billets, politique

Chat perché constitutionnel

Deux fois.
Cela fait deux fois en quelques semaines que le Conseil Constitutionnel censure partiellement des lois dont le Président et son Gouvernement ont fait des symboles politiques.

 
Qu’il s’agisse d’Hadopi ou de sa récente décision relative à la « Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires » [non je n’ai pas oublié de virgule] on pourrait croire que le Conseil Constitutionnel nourrit une certaine acrimonie à l’égard du gouvernement.

A moins que ce ne soit le le législateur qui joue avec le feu.  
  


Selon l’article 5 de la Constitution de la V° République, « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Bien sûr dans les faits ce n’est pas aussi simple, la Constitution est parfois si contraignante…
Il n’est donc pas rare qu’éclatent des polémiques violentes lorsque l’exécutif  ou le parlement cherchent à faire entrer dans l’ordre juridique des normes contraires à la constitution. 

Celle qui avait éclaté en 2004 relativement à la loi « portant adaptation de la justice à la criminalité » dite Perben II en est un vibrant exemple. 
Puisque le problème persiste, c’est qu’en réalité il ne provient pas simplement des hommes qui exercent le pouvoir, même si bien sûr le caractère d’un Nicolas Sarkozy n’arrange rien…

Non, le véritable problème vient du fait qu’il est constitutionnellement parfaitement possible de faire entrer dans l’ordre juridique français des normes contraires à la constitution. 
Non, pas la peine de retourner ce tiroir à la recherche d’un doliprane© c’est en réalité très simple. 

A ce jour, le contrôle de conformité à la constitution des lois ordinaires (par opposition aux lois organiques) est absolument facultatif. 
En effet, l’article 61 alinéa 1 de la constitution dispose que : 
« les lois peuvent être déférées au Conseil Constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs. »
Si une véritable mobilisation ne s’était pas faite jour, il y a d’ailleurs fort à parier que la loi Création et Internet – « Hadopi », passée inaperçue au sénat serait entrée en vigueur sans heurt et sans que le conseil constitutionnel ait la moindre voix au chapitre.  

Or, à ce jour, le seul recours contre une loi inconstitutionnelle entrée en vigueur c’est l’abrogation par le parlement. 
En effet, les tribunaux ordinaires n’ont pas la moindre compétence pour con troller la constitutionnalité des lois.
Des lois contraires à la constitution sont donc appliquées, bon gré mal gré par les tribunaux chaque jour, c’est moche, mais c’est ainsi.
Toutefois, parce les choses ne sont jamais totalement noires ou blanches les choses devraient évoluer très bientôt. 

Le nouvel article 61-1 de  la constitution issu de la réforme constitutionnelle du 23.07.2008 a prévu une avancée majeure en la matière.
Il prévoit en effet que : 
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. 
Loin  d’être un simple gadget cette disposition, qui crée un recours à postériori contre une disposition légale inconstitutionnelle est une petite révolution capable de mettre chacun plus à l’abri des excès du législateur.
 

Oui mais…
Cette disposition, votée il y a plus d’un an entrera
« en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application » [cf. art. 61-1]
un jour… lorsqu’on pensera à s’en occuper…

Dans l’intervalle, il va bien falloir faire sans…
Alors que des textes tels que la LOPPSI potentiellement truffés de dispositions inconstitutionnels sont sur le point d’être examinés , cela risque de ne pas être triste.

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