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Le pendu [actu-fiction]

Max prit une profonde inspiration avant de descendre du véhicule. 
Non pas qu’il eut peur ; bien au contraire. La peur est un sentiment où l’incertitude se mêle à à l’urgence. 
Or Max avait réfléchi depuis des semaines déjà le moindre des gestes qu’il s’apprêtait à effectuer. A présent sa seule crainte était de s’emporter au point de ne pas être capable de savourer chaque instant. 
 
C’est un hululement lointain qui finit par le tirer de ses pensées. Max ouvrît la porte de son Opel Kadett et, d’un geste assuré, tira une malle à bas de la banquette arrière. Il en retira une corde épaisse et noueuse qu’il prit un soin particulier à dénouer avant de la lover puis de la poser à terre. 
 
Ensuite, il s’approcha du sapin qu’il avait repéré lors d’une reconnaissance, quelque huit jours plus tôt, et s’arrêta une nouvelle fois à son pied pour jauger  une ultime fois de sa résistance. 

Au pied de cet arbre plusieurs fois centenaire, il ne put s’empêcher de songer de nouveau à Katrin étendue au pied d’un sapin guère différend de celui-là ; dans une robe d’un blanc de nacre, les cheveux relâchés sur les épaules dans une langueur absolue. Elle était pareille à ce jour de juillet où  ils s’étaient donné rendez-vous loin des regards, quelques jours seulement après qu’elle eut décidé de quitter Hans. 
Ce rendez-vous ne devait être qu’un acompte sur leur bonheur futur.
A présent, soit quelque 25 ans plus tard, Max devait se contenter du souvenir douloureux de ce bonheur à la fois bref et absolu. 
 
Il s’approcha du coffre du véhicule et en tira un sac de toile épaisse dont la forme trahissait la présence évidente d’un corps humain lié. L’homme ne se débattait pas encore ; parfaitement anesthésié par l’injection que Max avait pris soin de lui administrer un heure plus tôt. 



Lorsque Hans se réveilla il ne vit tout d’abord que des ombres mouvantes. Ensuite seulement il commença à ressentir un pressant vertige. 
Il baissa les yeux vers le sol et fut surpris de constater la présence d’un homme à la barbe emmêlée et aux sourcils épais, assis sur un rocher à demi recouvert de de mousse, qui le fixait sans toutefois que son visage trahisse le moindre sentiment. 
Les membres enserrés, Hans se balançait au bout d’une corde qui le retenait depuis le milieu de son dos à une branche épaisse qui culminait à une bonne dizaine de mètres au dessus de sa tête. Il se trouvait attaché dans une position étrange ; son avant bras gauche presque libre de se mouvoir et pourtant incapable d’attendre les nœuds épais qui le maintenaient prisonnier.

Le captif appela l’homme à terre qui continuait de le fixer sans prononcer le moindre mot. Il interrogea, protesta, appela à l’aide, et supplia enfin. Mais l’homme, impassible, faisait mine de ne pas l’entendre.
Un léger vent se mit à souffler de sorte qu’Hans commença à se balancer un peu plus vite. C’est alors qu’il identifia un poids qui se balançait lui-même au bout de sa jambe droite. Au prix de contorsions épuisantes Hans parvint à  saisir la corde qui lui enserrait la cheville et remonta lentement la forme noire qui était attachée à l’autre bout. 
L’homme à terre changea enfin d’expression lorsque le pendu prit le pistolet entre ses doigts sans toutefois que celui-ci parvienne à déchiffrer si son visage reflétait ou non une forme de satisfaction. Puis il se leva ouvrit un pan de son blouson. 
Hans lui ordonna une nouvelle fois de le laisser descendre, puis le menaça de lui tirer dessus s’il refusait de s’exécuter. La menace était vaine. Très rapidement le captif prit conscience que dans la position précise dans laquelle ses liens l’enserraient il se trouvait incapable de menacer son ravisseur d’une quelconque manière. 

L’homme posa une photographie sur le rocher, un tirage ancien et légèrement jauni sur lequel Hans n’eut pas la moindre peine à reconnaitre le visage de Katrin ; celui-là même qu’il avait détruit lorsqu’il l’avait tuée bien des années plus tôt, en ce lointain jour de juillet où elle avait manifesté l’intention de le quitter pour un autre.

[photo]
 
L »homme se rassit sur sa pierre et resta un long moment à regarder le pendu se balancer. Puis lorsqu’il sembla rassasié il se leva et disparut entre les arbres.
Hans se trouvait ainsi depuis des heures déjà, le corps endolori, agacé par un froid tenace et brisé sous son propre poids. Dans sa main, il serrait le pistolet dans un quasi réflexe sans comprendre vraiment pour quel usage son ravisseur avait cru devoir le placer là.
La douleur se fit sans cesse plus vive et le froid plus perçant à mesure que la faim naissait au creux des replis de son ventre.
Mais là n’était pas la pire des tortures.
La douleur physique n’était rien comparée aux souffrances que faisait naitre en lui la vue des traits de Katrin qui lui faisait face, resplendissante sur la photographie.
Hans eut un dernier regard pour le pistolet.
A présent sa présence paraissait évidente.
BERLIN (Reuters) le 6.04.2009 :
Le squelette d’un retraité allemand, qui s’était pendu au sommet d’un arbre dans une forêt et s’était tiré une balle dans la tête, a été découvert la semaine dernière, près de 30 ans après les faits.
L’homme, âgé à l’époque de 69 ans, avait été porté disparu en 1980 après de vaines recherches, a expliqué lundi le porte-parole de la police de la ville de Lanshut.
Mais un jeune randonneur a repéré la semaine dernière un os et l’a apporté à la police, qui a inspecté la zone et retrouvé le corps à l’état de squelette, pendu à onze mètres de hauteur sur un épicéa.
« Le pistolet pendait encore au bout d’une corde le long du cadavre », a ajouté le porte-parole, Leonard Mayer, en précisant que l’identification avait pu être faite grâce à la hanche artificielle du suicidé. [source]

 

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