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Paquet telecom: l’Etat s’en fiche

Korben (qui a récemment lancé un nouveau blog) publie aujourd’hui un billet au sujet du paquet télécom qui commence par les mots suivants « Je ne sais pas pour vous mais moi je n’y comprend plus rien ??? »
Il faut dire qu’il y a de quoi s’étonner.
En effet, Christine Albanel a confirmé hier  que le si décrié projet de loi Création et Internet sera bel et bien examiné la semaine prochaine par le Sénat alors même que le parlement Européen vient de voter un amendement à la directive « Paquet Télécom » qui dispose:

qu »aucune restriction ne peut être imposée à l’encontre des droits fondamentaux et des libertés des utilisateurs finaux, sans décision préalable des autorités judiciaires, notamment conformément à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la liberté d’expression et d’information, sauf si la sécurité publique est menacée« . 



Pour ceux qui auraient manqué les épisodes précédents le projet de loi « création et internet » prévoit notamment  « la mise en place d’une haute autorité administrative chargée de dissuader les internautes de télécharger illégalement des œuvres (musique, films, séries), d’abord en leur envoyant des avertissements par mail puis par lettre recommandée, et enfin en suspendant provisoirement leur abonnement à Internet après une phase de transaction. »  [source]
Pour ma part je ne suis pas étonné. En colère oui, mais pas étonné.
Pour comprendre un peu mieux la situation il est important de savoir précisément ce qu’est la directive « Paquet Télécom » dont on parle beaucoup ces derniers temps mais bien souvent sans trop savoir de quoi il s’agit.
En ce qui concerne son contenu, et afin d’éviter une paraphrase inutile, je me permets de vous renvoyer vers un article plutôt bien fait sur le site du parlement Européen intitulé (certes un peu hâtivement) « sur internet la vie privée demeure protégée« 

Mais le tout n’est pas de connaitre le simple contenu de cette directive, encore faut il comprendre sa « force contraignante », c’est à dire connaitre la définition d’une directive communautaire qui est posée par l’article 249 (alinéas 3 et 4) du traité instituant l’union européenne qui dispose : 
« La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.
La décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne. »
En clair, une directive (contrairement à un règlement communautaire)  ne fixe à un état qu’une obligation de résultat mais lui laisse la liberté quant aux moyens. 
En outre elle n’intègre le droit « interne » à cet état qu’après avoir été « transposée » c’est à dire qu’une loi ait été votée par le parlement de cet Etat. 
Afin d’éviter les abus, les directives sont assorties de délais que les Etats se voient imposer.
Or à ce jeu la France est bien connue pour prendre son temps et outrepasser largement les délais.

En somme la directive communautaire n’empêche  pas la loi « Création et Internet » d’être examinée. 
Si cette dernière est adoptée elle pourra s’appliquer en toute légalité jusqu’à l’expiration du délai de transposition. Or il y a fort à parier qu’une fois de plus nos gouvernants prendront leur temps… 

Et après ?
Après, probablement rien. Du moins tant que nos gouvernants se ficheront ouvertement de la loi.
Je pense vraiment cette dernière phrase.
Il n’y a pas si longtemps, un ministre de la justice décidait à des fins politiques  d’indemniser des victimes en toute illégalité et au mépris de toutes les règles qui régissent le prescription.
Vous trouvez probablement ce geste louable. Mais moi ce type d’affaire me met en colère. Allez expliquer à une victime pourquoi la prescription est écartée pour certains dont l’affaire a fait la une des journaux et pas pour elle et vous comprendre peut être mon sentiment.
 

Maj le 28.10.2008 à 10h48 (suite à un Twitt‘ d’Antonin
 Qu’est ce que je vous disais :
Le groupe socialiste reconnaît, pourtant, que l’amendement Bono voté par le Parlement européen pourrait faire obstacle à l’adoption de la loi Création et Internet. Cet amendement, adopté avec une très large majorité de 88 % des parlementaires (573 voix pour, 74 contre) fait obligation de veiller à ce « qu’aucune restriction aux droits fondamentaux et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne soit prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire ». Concrètement, il contraint les Etats-membres à passer par un tribunal de l’ordre judiciaire avant de condamner à la suspension de l’abonnement Internet. Mais selon la note du groupe Socialiste, qui reprend le point de vue exprimé par la ministre Christine Albanel, « rien ne permet d’affirmer que, juridiquement, l’accès à Internet constitue un droit fondamental du citoyen« .
Alors-même que le gouvernement prévoit un millier de décisions prises par jour, ce qui enlève toute possibilité d’étude personnalisée des dossiers, la note du groupe socialiste estime même que « la formation particulière que revêt l’autorité administrative infligeant la sanction« , composée de trois magistrats, « prend une forme quasi juridictionnelle » qui pourrait la rendre compatible avec l’amendement Bono. [source]
Une forme quasi juridictionnelle (rire jaune). En voila une belle leçon d’hypocrisie et de cynisme…

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