Le Bilan

Le bilan #1 : Moins de juge, moins de secret, mais des rimes

Ces derniers temps j’ai posté pas mal de fiction dans ces pages.

Ça demande un peu de travail puisque j’essaie de maintenir une qualité littéraire pas trop médiocre. (Puis je me relis et j’ai envie de me trancher les mains avec un hachoir à viande)

Cette semaine j’ai envie de vous faire partager quelques découvertes et quelques liens qui m’ont touché ou intéressé ces derniers jours.

 

  • Secret professionnel

Le 3 Mai 2016, le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris a adopté une résolution pour s’opposer à la proposition de loi du député Yann Galut qui vise à protéger les lanceurs d’alerte.

Pour mémoire, cette proposition de loi vise à instaurer une protection à l’égard des lanceurs d’alerte, définis comme :

« toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé ».

Dans sa résolution, le Conseil de l’Ordre :

« demande au Gouvernement de ne pas présenter, ni soutenir d’amendements visant à intégrer celles des dispositions de la Proposition de Loi du député Galut qui sont attentatoires au secret professionnel, au secret de l’enquête et au secret de l’instruction » et « au Parlement de rejeter fermement toute proposition de loi ou amendement ayant la même finalité ».

Le barreau de Paris est dans son rôle sur ce type de résolution. On n’imagine pas dans quelles condition un avocat pourrait remplir son rôle sans secret professionnel.

Cela étant, on pourrait objecter que le secret professionnel comporte d’ores et déjà des limites concernant les avocats en matière de soupçons blanchiment, les médecins en matière de soupçons de sévices, et que ces exceptions sont clairement prévues par la loi.
Le débat sur les lanceurs d’alerte et les limites du secret professionnel n’est donc pas illégitime et je ne doute pas qu’il se poursuive…

  • État d’urgence, sécurité et psychanalyse

Le 10 Mai, le Sénat a voté la prorogation de l’État d’urgence pour une durée de deux mois.

Je n’ai pas pris le temps de parler de l’état d’urgence ici (je préfère passer mon énergie dans autre chose que de la colère) mais je vous invite à lire l’article publié par Roseline Letteron sur la loi de prorogation si vous voulez en savoir un peu plus.

En parlant d’obsession sécuritaire, j’ai remarqué que les contrôleurs lisent un texte un peu différent depuis les attentats lors du départ des trains. Outre l’invitation à se présenter si l’on n’a pas de billet, ce texte ajoute :

« Nous vous rappelons que pour votre sécurité vous devez être en mesure de présenter un document d’identité dans l’éventualité d’un contrôle de police ou de douane. »

Je fais probablement du mauvais esprit, mais je la trouve curieuse cette tournure de phrase. Dans cette rédaction, elle laisse supposer que c’est le contrôle de police ou de douane qui est susceptible de porter atteinte à notre sécurité.

Ne le dites à personne, mais ceux qui rédigent les textes des contrôleurs de train sont de dangereux anarchistes.

Cela étant, on a lu beaucoup de choses sur les raisons qui peuvent pousser un individu à devenir un terroriste islamiste. Pourtant un article du Monde me parait vraiment apporter une dimension peu abordée jusqu’ici. Il s’agit d’extraits d’un libre de Fethi Benslama (psychanalyste et professeur de psychopathologie) intitulé « Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman » qui sort le 12.05.2016 :

De même que la psychanalyse nous montre que le symptôme est une solution de compromis qui a une fonction dans l’économie d’un sujet, la tentative de résorption des symptômes dans la radicalisation a également sa raison : obtenir une guérison par un circuit très particulier, celui qui requiert d’affronter le danger interne par une mise en danger externe plus importante, dût‑elle conduire à la mort. C’est un fait que j’ai constaté cliniquement : le symptôme est effacé par l’effet d’une saturation de l’idéal qui place le sujet dans une mission divine.

Je mets ça sur ma (longue) liste de choses à lire…

 

  • Beauté

Je n’aurais pas assez d’un article pour vous dire tout le bien que j’ai pensé de l’extraordinaire Six Gun Gorilla de Simon Spurrier et Jeff Stokely. (Lisez-le en anglais si vous le pouvez, la traduction est un peu banale alors que le texte d’origine déborde de trésors).

Alors je suis carrément surexcité de les voir retravailler ensemble.

Ça s’appelle The Spire,  et c’est tellement beau que je crois que ça se passe de commentaires.

The Spire by Jeff Stokely

Au passage, le compte Instagram de Jeff Stokely fourmille de merveilles….

 

Si vous êtes à Paris, je vous signale aussi le spectacle « ça rime à Quoi » qui se joue les 21 et 22 mai au Théâtre de l’Abbaye à St Maur-des-Fossés. J’ai eu le bonheur de travailler par ailleurs avec Stephen Pisani (qui met le spectacle en scène) et je suis assez impatient de voir ça. (Et apparemment les premiers retours sont bons^^)

 

  • Justice du XXI° siècle

Le projet de loi « justice du XXI° siècle, lancé alors que Christiane Taubira était encore Garde des Sceaux se poursuit avec son successeur.

Annabelle Longuemart signe un bon résumé des principales mesures prévues par la dernière mouture du texte sur Dalloz.fr. (lien derrière un paywall)

J’en retiens essentiellement trois mesures :

  • Un divorce par consentement mutuel sans juge

« il est envisagé une procédure au cours de laquelle le magistrat n’interviendrait pas du tout. (…) Afin d’assurer une protection de la partie la plus faible, l’assistance de deux avocats sera obligatoire, chaque partie devant avoir son propre avocat. »

« La convention sera enregistrée par un notaire moyennant un droit fixe de 50 € et les parties disposeraient de quinze jours pour la contester. Passé ce délai, les modifications de situation seront traitées selon la procédure après divorce classique devant le juge des affaires familiales (JAF) et le non-respect de la convention de divorce relèverait du contentieux du droit de l’exécution des contrats classique. »

Les instances représentatives des avocats sont pour l’heure très divisées sur ce point de la réforme envisagée.

  • Un changement de prénom sans juge

« La procédure de changement de prénom serait simplifiée (…) Il suffira pour le justiciable d’adresser une demande à l’officier d’état civil de son lieu de naissance ou de son domicile et celui-ci ne saisira le procureur de la République pour avis que lorsqu’il estimera que cette demande « ne revêt pas un intérêt légitime ».

  • Une homologation des plans de surendettement avec juge subsidiaire

« Le code de la consommation serait afin de supprimer l’étape d’homologation judiciaire des mesures proposées par la commission de surendettement. D’ailleurs, le texte prévoit de rebaptiser les « recommandations » en « décisions imposées » par la commission, comme il en existe déjà par ailleurs. Le juge n’interviendrait plus qu’en cas de contestation de ces mesures. »

Si je comprends aisément la logique qui consiste à réduire le rôle du juge « À la fois pour désengorger les tribunaux et pour accélérer les procédures de divorce non contentieuses » je trouve souvent lamentable la tournure strictement comptable que prend notre justice.

Les gouvernements successifs (quelle que soit leur couleur politique) réforment pour gérer les stocks d’affaires et trouver des moyens de les réduire. On s’éloigne de plus en plus d’une justice individualisée pour aller vers des solutions automatiques, ce qui n’est pas forcément un gage de qualité.

 

  • Frousse

Ces derniers mois, j’ai suivi avec une attention gourmande les « Problem Glyphs » d’Eliza Gauger.

Les Problem Glyphs, ce sont des signes cabalistiques crées pour répondre à des problèmes soumis par les lecteurs d’Eliza.

Je vous invite à aller voir les résultats, c’est assez fascinant.

Et parce qu’il n’y a pas de mal à tirer profit de son travail, une série de Tee-shirt est à la vente, dont celui avec ce Glyphe qui me fait de l’œil 🙂

May we be martyred in space

Dans un registre tout aussi sombre, je suis absolument fasciné par la bande annonce de « Fantastique« , une série d’effets magiques publiée chez Marchand de Trucs par Antoine Salembier.

C’est (assez) cher, mais c’est un genre de magie qui me fascine totalement et qui touche les spectateurs d’une manière très particulière

 

C’est tout pour ce « bilan » de la semaine.

Je vais essayer de vous en préparer un autre la semaine prochaine (enfin, si ça vous plait, hein).

Et d’ici là, surtout, n’invoquez aucune créature que vous ne pourriez conjurer. 😀

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