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La saisie immobilière : points de repère

Je vous disais il y a quelques jours que la saisie immobilière est une procédure de plus en plus fréquemment utilisée dans le contexte de crise généralisée. 

Pourtant, elle reste relativement méconnue du grand public de sorte que je crois important de proposer ici une présentation (nécessairement un peu longue et technique) de cette procédure encore jeune.
Je ne vais pas vous faire des articles purement juridiques tous les jours, (quoique, ca pourrait plaire à Valérie) mais je crois que celui-ci est à la fois nécessaire et d’actualité ne serait-ce qu’au regard du nombre de gens qui viennent de recevoir un commandement au moment où j’écris ces lignes.



Si cet article a essentiellement vocation à être lu par le profane, il pourra tout aussi bien servir de mémento à l’intention du praticien débutant ou du moins peu familier de cette usine à gaz.
Simple approche didactique il ne prétend certainement pas à l’exhaustivité. 
J’en ai fini avec les remarques liminaires ; accrochez vos ceintures.
  

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1- Présentation générale
En droit français, la saisie immobilière est une « voie d’exécution » qui permet à tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance « liquide et exigible » de recouvrer sa créance par la saisie d’un immeuble qui appartient à son débiteur 
Plus précisément selon l’article 2191 du code civil :

« la saisie immobilière tend à la vente forcée de l’immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution de son prix« 

Cette voie d’exécution, particulièrement technique dans sa mise en œuvre a récemment été réformée par :
Dès la signification du « commandement valant saisie » qui marque le début de la procédure, celle-ci relève de la compétence du « juge de l’exécution » (art. L213-6 du code de l’organisation judiciaire).


Si le créancier doit nécessairement être représenté par un avocat tout au long de la procédure le débiteur peut effectuer certains actes sans être représenté.

2- Le calendrier de la procédure
La grande singularité de la saisie immobilière tient au fait qu’elle impose au créancier qui pratique la saisie -on l’appelle le créancier poursuivant de respecter des délais extrêmement stricts qu’il convient de suivre comme du papier à musique. 

Dans un souci de simplicité j’ai pris l’habitude de tenir un calendrier de procédure afin de simplifier les choses à l’usage.
Si vous êtes praticien, n’hésitez pas à vous en servir (c’est cadeau)
Sinon ce document vous donnera un aperçu synthétique du déroulement d’une procédure.

3- Du commandement à l’audience d’orientation
Le commandement est à la fois le point de départ de la procédure et sa colonne vertébrale. 
Il doit être signifié par un huissier de justice au saisi (que l’on appelle le « débiteur« ), mais aussi (et dans les 24 heures) à son conjoint dans l’hypothèse où le bien saisi correspond à la résidence principale du couple. 
Dès le jour de cette signification, le débiteur est en « séquestre« , ce qui signifie principalement qu’il ne peut plus vendre le bien.
Pour s’en assurer la loi impose d’ailleurs que le créancier poursuivant publie le commandement à la conservation des hypothèques dans un un délai de deux mois à compter de la signification.
Cela permet à la fois d’empêcher toute vente du bien (puisqu’un notaire ne peut passer une vente sans demander un état hypothécaire récent) et de rendre la saisie opposable à tous les autres créanciers éventuels. 
La signification du commandement fait également partir un délai de huit jours à l’issue duquel le créancier peut envoyer un huissier de justice  qui pourra pénétrer sur les lieux (oui, vous avez bien lu) afin de réaliser un procès-verbal descriptif du bien.
L’huissier vient lorsque c’est nécéssaire accompagné d’un expert immobilier chargé de réaliser les expertises techniques prévues par la loi (Plomb, amiante, état parasitaire…)
Ces éléments sont en effet indispensables au créancier afin de fixer une mise à prix.

Aussitôt que la mise à prix est décidée, le créancier fait signifier (toujours par un huissier) une assignation :
  • au débiteur
  • aux créanciers connus (ceux qui bénéficient d’une inscription sur le bien à la conservation des hypothèques)
à comparaitre devant le juge de l’exécution à une audience dite « d’orientation« .

Parallèlement (et dans les cinq jours) il dépose au greffe du juge de l’exécution un cahier des conditions de la vente qui contient tous les renseignements concernant celle-ci et pourra être consulté par tout interrogée. 
C’est ce document qui, si la procédure arrive à son terme, tiendra lieu de titre de propriété à l’acquéreur du bien.

4- L’audience d’orientation
L’audience d’orientation est, après la signification du commandement, le second temps fort de la procédure.
C’est à cette occasion que se tient le débat contradictoire qui décidera du sort de l’immeuble saisi.

Lors de l’audience d’orientation, le juge va tout d’abord :
  • Vérifier si le créancier poursuivant, titulaire d’une créance liquide et exigible, agit en vertu d’un titre exécutoire, comme il est dit à l’article 2191 du code civil. 
  • Vérifier que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l’article 2193 du code civil,
  • Fixer le montant de la créance du créancier poursuivant 
    et des éventuels autres créanciers connus
Pour autant, si ces conditions sont réunies les carottes ne sont pas forcément cuites pour le débiteur.
Lors de l’audience d’orientation, le juge va aussi
  1. statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes
  2. déterminer les modalités de poursuite de la procédure
Les contestations et demandes incidentes peuvent concerner une foule de choses. 
C’est donc le moment pour le débiteur de soulever au créancier tous les lièvres de la terre pour tenter de sauver la tête de son immeuble.

Il peut donc notamment contester le montant de la créance, faire valoir l’existence d’une procédure de surendettement en cours, soulever la caducité d’un acte qui n’aurait pas été fait dans les délais, au sa nullité dans le cas où une formalité n’aurait pas été respectée. 
Il peut aussi contester la mise à prix dans le cas où le bien serait manifestement  bradé.


C’est loin d’être un cas d’école. Dans l’hypothèse où le bien ne trouverais pas d’acquéreur le créancier poursuivant court le risque d’être automatiquement déclaré « adjudicataire ». Or cette solution est à la fois couteuse (si la mise à prix excède sa créance) et gênante (puisqu’il faudra faire son affaire de se débarrasser du bien encombrant). 
Pour attirer les acheteurs les créanciers poursuivants sont  donc fréquemment tentés de proposer une mise à prix très inférieure à la valeur du bien.
Faute de mieux, le débiteur peut enfin solliciter un délai de grâce qui ne pourra en toute hypothèse excéder deux ans.

6- la possible vente amiable
La nouvelle procédure permet en outre au débiteur de proposer une alternative à la vente aux enchères en sollicitant l’autorisation de vendre à l’amiable et devant notaire. 
Mais encore faut il qu’il arrive à démontrer les chances de réaliser cette vente à bref délai.
Dans cette hypothèse le juge fixe simplement le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu et désigne un séquestre chez qui sera consigné le prix de vente dans l’attente de sa distribution. 
Il décide en outre de la date à laquelle l’affaire l’affaire sera rappelée pour faire le point. (au maximum 4 mois après l’audience d’orientation) 
Si au jour de cette audience « de rappel » la vente ne s’est pas réalisée le débiteur peut obtenir un ultime délai de 3 mois). 

Si pour une raison ou une autre la vente amiable se révèle impossible,  le juge peut décider (soit lors de l’audience d’orientation soit à l’occasion d’une audience de rappel) d’ordonner la vente forcée.
Il décide alors de la date de cette vente et de la mise à prix.

7- La vente forcée
L’audience de vente a lieu dans les deux à quatre mois qui suivent l’audience à l’occasion de laquelle la vente a été ordonnée. 
Il s’agit d’une vente aux enchères publiques qui a lieu au tribunal de grande instance (et non pas à la salle des ventes).
Afin d’écarter les curieux et les plaisantins, les enchérisseurs doivent impérativement être représentés par un avocat et produire à titre de garantie un chèque de banque d’un montant fixé par le cahier des conditions de la vente.
En pratique, ces ventes sont bien souvent « trustées » par des marchands de biens dont les moyens excèdent ceux de la plupart des particuliers.
Si vous arriviez cependant à être déclaré adjudicataire ; ne sautez pas de joie tout suite. Vous n’êtes pas tiré d’affaire.
Attendez tout d’abord l’expiration du délai de surenchère. 
Durant un délai de dix jours n’importe qui peut en effet surenchérir (par acte d’avocat) en élevant de 10% au minimum la somme à laquelle le bien a été adjugé et déclencher ainsi une nouvelle audience de vente.
Assurez-vous ensuite d’être en état de régler le prix.
A défaut de l’avoir réglé dans un délai de 90 jours vous vous exposeriez à voir déclencher à votre encontre une procédure de folle enchère.
Le principe de cette nouvelle vente est très simple. Si le bien se vend à un prix supérieur ou égal à celui que vous aviez proposé vous étés tiré d’affaire.
A défaut vous devrez régler la différence. (je sais, c’est dur mais c’est la loi)

8- la distribution du prix de vente

Une fois le prix de vente  réglé il est remis entre les mains du séquestre désigné.
Il s’agit alors de le distribuer

Auparavant cette charge revenait au « juge aux ordres ». Depuis l’ordonnance de 2006.  C’est l’avocat du créancier poursuivant qui est chargé de la diriger. (Vous noterez au passage qu’il s’agit là d’un autre pan de ces pans du droit qu’on a récemment retiré au juge)
Il s’agit par principe d’une procédure amiable qui réunit autour du créancier poursuivant les créanciers connus (y compris les éventuels créanciers intercalaires ; ceux qui ont pu apparaitre en cours de procédure) et le débiteur. 
Elle vise à distribuer le prix de vente, d’abord entre les  créanciers selon le rang de leurs éventuels privilèges puis au débiteur si un solde se dégage. 
Faute pour ce petit monde de s’entendre, (ce qui est fort probable)  il faudra à nouveau saisir le juge de l’exécution  pour enfin obtenir le déblocage des fonds par le séquestre.

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